Louise de Crozals[FRA]

  • Illustration

Chronique

Le 21.10.2019 par JULIETTE MANTELET

En 2019, on est tous des voyeurs. On contemple la vie des autres en boucle sur Instagram, on raffole des vlogs qui nous plonge dans le quotidien de personnalités, on suit des émissions de télé-réalité un peu trash où les candidats dorment, mangent et se lavent devant nous, on partage notre vie privée en temps réel avec le monde entier en stories hyper-perso… Louise de Crozals évoque tout ça la fois dans sa série « Le Motel » grâce à un talentueux double-jeu graphique d’ombre et de transparence. Tout en noir et blanc.

GéNéRATION VOYEURS

Par son style maîtrisé, Louise évoque les « choses impalpables ». Les sensations, les fantasmes. L’intimité des corps et des êtres. Elle aime dévoiler ce qu’on ne peut pas voir à l’œil nu. Imaginer toutes les possibilités. Elle superpose les personnages comme s’ils se dédoublaient entre rêve et réalité. Sa définition du voyeurisme c’est justement voir à travers. À travers les vêtements, les murs, les apparences. Grâce à l’encre et au crayon de papier, que Louise superpose ensuite sur Photoshop, elle obtient cette transparence caractéristique, propice à son thème. Ce style nous rappelle une autre de nos artistes préférées, Camille Deschiens et son poétique monde en double. Louise s’inspire plutôt de Brecht Evens et de son aquarelle révélatrice des relations humaines. La couleur chez Louise, utilisée par petites touches, accentue, dévoile et révèle.

Le personnage principal de sa série est un homme, un voyeur. Il scrute la vie des autres. Il vit leur vie par procuration. Un solitaire. Cette série se base sur une histoire vraie. Un fait divers relaté dans le livre « Le motel du voyeur » de Gay Talese. L’histoire de Gerald Foos, stalker invétéré. L’homme a acheté un motel à Denver pour en faire son laboratoire d’observation. Des trous dans le plafond des chambres, dissimulés par des grilles d’aération, lui ont permis d’épier sa clientèle pendant des années. Inconsciemment, on prend ici sa place et on observe à notre tour l’intimité des chambres d’hôtels. Et une certaine curiosité naît, comme lorsque les lumières dans la nuit permettent de distinguer l’intérieur des appartements de la rue. Un miroir sans tain agréable pour s’avoir ce qui se passe ailleurs, comparer, juger, se rassurer. Prolifique, Louise est déjà sur un nouveau projet. Toujours inspiré d’un fait divers : le corps d’un homme, retrouvé dans son domicile, onze ans après son décès. Autre témoignage criant de notre monde de solitude et de façade. On suit Barack Obama, Emrata ou encore Rihanna sur Instagram. Mais connaissons-nous au moins notre voisin de palier ?

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