Anna Uru[FRA]

  • Illustration

Chronique

Le 29.04.2019 par JULIETTE MANTELET

La sexualité est aujourd’hui l’autre thème phare de l’illustration. Les femmes illustratrices sont de plus en plus nombreuses et elles osent enfin se servir de leur art pour représenter le désir et le sexe du point de vue des filles. Le Hasard Ludique tiendra d’ailleurs pour la deuxième année consécutive son Marché de l’Illustration Impertinente le 11 mai prochain, une preuve tangible que les esprits se libèrent. L’objectif de ces artistes est de montrer la banalité de l’acte sexuel et de prouver qu’innocence et naïveté peuvent tout aussi bien rimer avec sexe que vulgarité. Ces événements et ces dessins participent à une nouvelle éducation sexuelle. Anna Uru, jeune artiste parisienne, fait partie de cette vague d’illustration érotico-pop,  accessible et enfantine.

LOVE GAMES

À première vue l’univers d’Anna semble très enfantin, « candide », dit-elle de son côté. L’illustratrice se sert en effet de couleurs vives et positives et déploie un monde aux personnages à la peau rose de bébé. Son art illustré se veut avant tout joyeux, léger et ludique. Anna explique que l’illustration digitale lui permet de donner un aspect « chewing-gum » à ses personnages très coulants, aux membres élastiques. Pour aller encore plus loin dans cette simplification, Anna n’habille les corps d’aucun détail. Ni poil, ni cicatrices, ni bourrelet, ni téton ou sexe ne viennent décorer ces corps lisses. La jeune artiste souhaite « déposséder » ses personnages de tout attribut sexuel, renforçant ainsi l’impression d’un art enfantin. Cette désexualisation lui permet de défendre une égalité des sexes et de chambouler les genres.

Anna analyse avec finesse le monde de l’illustration actuelle où le sexe est selon elle « devenu un effet de mode », utilisé parfois de manière gratuite et racoleuse. Anna, elle, par ses traits très enfantins veut plutôt aborder les relations sexuelles comme un jeu innocent entre des êtres qui s’amusent, se tournent autour… Elle use ainsi beaucoup du comique de situation, comme avec cette balle de ping-pong qui se retrouve coincée entre les seins d’une demoiselle ou ces prises d’escalade aux formes évocatrices. Elle veut, dit-elle, proposer un art « dénué de masturbation intellectuelle ». Autrement dit, un art où il ne faut pas chercher trop loin mais prendre du plaisir simple en s’amusant, comme en amour.

L’ENGAGEMENT PASTEL

Mais la jeune artiste s’engage aussi à travers ses dessins, défendant une vision de l’art engagée et non purement commercial. Pour elle, ce n’est pas de l’art érotique ; on reste dans le registre de la suggestion et des clins d’œil. La sexualité n’est jamais le but final de ses dessins. Le sexe, étroitement lié à d’autres combats, lui permet de les aborder en douceur. Émancipation des corps, parité, remise en question des rôles dans le couple, affirmation du corps de la femme et de son plaisir. Autant de sujets fondamentaux qu’Anna aborde : puisque, justifie-t-elle, nous sommes dans une époque où « les mentalités s’ouvrent » et qu’il faut absolument en profiter pour « mettre à mal certains tabous ». Un besoin récurrent, comme le montre à nouveau, la chanteuse Angèle dans son clip Balance Ton Quoi : aborder la sexualité et la féminité du point de vue féminin, avec humour et couleurs pastel, léchées. Une nouvelle façon tout aussi engagée, version pop, de faire bouger les lignes.

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