Romain Laprade[FRA]
- Photographie & Cinéma
Interview
Romain Laprade, un monde à part
Un imaginaire rétro, un savant jeu de formes et de couleurs et des images harmonieuses et chaudes. Entrez dans le monde de Romain Laprade, photographe à l’âme sensible.
Tafmag : Hello Romain, merci de débuter ce dossier avec nous. Peux-tu nous parler un peu de ton parcours et nous dire comment tu es devenu photographe ? C’était une vocation ?
Romain Laprade : Enfant, j’adorais regarder les images sur papier glacé, les revues de photos de voyage ou les publicités dans les magazines. J’étais toujours excité en allant au labo récupérer les photos de vacances de mes parents qui étaient sur pellicule. Rapidement, j’ai ressenti l’envie de faire des photos à mon tour et j’ai demandé un appareil. J’ai grandi à la campagne, pas très loin de la ville, alors mes premiers clichés représentaient ce que je voyais autour de moi : les paysages, la nature, les plantes, mes amis.
Comment décrirais-tu ton esthétique et le style de tes photos ?
C’est toujours difficile de décrire son propre travail, généralement c’est plus facile pour ceux qui en sont les spectateurs. On me dit souvent que mes couleurs sont douces, les lignes, harmonieuses et l’atmosphère, apaisante et tranquille. J’aime que certains détails anodins deviennent soudain importants à travers une image. Mettre en valeur des choses qui habituellement n’attirent pas forcément l’attention des autres. Finalement, j’aime voir ce que les autres ne voient pas et le capturer.
Tes photos naviguent entre l’architecture, le design, la mode et la nature. Peux-tu me parler de ton processus créatif ? Comment prépares-tu une série photographique ou un projet ?
Généralement, l’idée vient d’un lieu découvert à travers une œuvre, un livre ou un film ou tout simplement au hasard d’une exploration. Il m’arrive aussi de partir marcher avec mon appareil photo sans but précis. Parfois, je m’intéresse au travail d’un architecte en particulier – à l’instar de John Lautner – et je pars photographier ses œuvres. Ce travail de recherche en amont sur une œuvre ou un architecte mène aussi parfois à d’autres trouvailles et peut créer de nouvelles envies, de nouveaux projets.
Quelles sont tes sources d’inspirations ?
Je suis très inspiré par la photographie américaine et italienne des années 70-80. J’admire ces photographes qui ont osé travailler la couleur et qui sont parvenus à lui donner de l’importance dans un art où l’on a longtemps fait l’éloge du noir et blanc. Les couleurs ont longtemps été synonymes d’amateurisme et de photographie populaire.
Tu as une œuvre prolifique et éclectique, tu collabores notamment beaucoup avec des marques de mode à l’instar d’Isabel Marant ou Hermes. Quel est ton rapport au style ?
Je crois que j’ai toujours aimé les images de mode et j’ai toujours collé de l’importance au style et à ma propre image. Avant de me lancer professionnellement dans la photo, j’ai été graphiste au sein du magazine Vogue, j’ai ainsi pu découvrir les images ultra-léchés de cet univers tout en m’immisçant dans ce milieu d’initiés. À ce moment-là, je me suis plongé dans les archives du magazine qui sont absolument incroyables. Cela m’a apporté une vraie “culture mode”.
Tes photos sont très graphiques, presque architecturales, comme ta série sur Malte, Belgrade ou Domestic Pool. Elles se présentent souvent comme un tableau dont les formes et mesures semblent parfaitement maîtrisées.
Lorsque je fais des photos, notamment de mode, je cherche avant tout à créer une ambiance singulière. J’accorde beaucoup d’importance au lieu et à l’architecture qui doivent rester proches de mon univers et de mon travail personnel. J’aime l’idée de fusionner mon propre univers à celui d’une marque, c’est très intéressant. Avec certaines d’entre elles, cela fonctionne comme une évidence, avec d’autres, il faut davantage s’adapter.
De L’Arc de Triomphe empaqueté de Christo et Jeanne Claude aux maisons de Palm Springs, tes œuvres ont une forte dimension onirique et contemplative. Est-ce important pour toi de voyager et de découvrir de nouveaux horizons pour stimuler ta créativité ?
Oui, c’est très important car le fait d’être loin et de perdre mes repères m’obligent certainement à regarder différemment ce qui m’entoure. Il n’est parfois pas nécessaire de partir loin, il faut simplement s’éloigner de son décor quotidien… De la banlieue parisienne à l’autre bout du monde, en passant par le sud de la France.
Quel est le lieu où tu te sens le mieux ?
Au bord de la mer, je crois. À Los Angeles, aussi.
Y a-t-il des époques qui t’inspirent plus que d’autres : une décennie, un âge d’or qui te fait rêver ?
J’aurais adoré connaître les années 50, 60, 70 et voyager à cette époque. Découvrir des villes comme Londres, Paris, New York, Los Angeles et leur architecture dans ces années-là.
Comment vois-tu l’époque dans laquelle nous vivons ?
Je la trouve assez dure, c’est peut être pour ça que j’ai tant besoin de m’évader à travers les images. Finalement, je me suis créé un univers à part que je suis ravi de pouvoir partager avec ceux qui apprécient mon travail.