Rémi Ferrante Hartman[FRA]

  • Photographie & Cinéma

Interview

Le 25.10.2022 par Julie Le Minor

Dans le Paris de Rémi Ferrante

De passage à Paris, avant de retrouver New York et Los Angeles où il vit, le photographe et créatif français nous rencontre au Café de Flore par l’une de ces après-midi ensoleillées où toute la ville semble s’être donnée rendez-vous dans la rue.

Rémi Ferrante en train de discuter avec Julie Leminor dans le café de Flore à Paris

Ce n’est pas anodin si ce jour-là, Rémi Ferrante Hartman nous donne rendez-vous à l’emblématique Café de Flore, place Saint Germain des Prés. Aujourd’hui basé entre Los Angeles et New York, le photographe et créatif multicasquette aime renouer avec ces lieux emblématiques de la capitale. « Quand on ne vit plus ici, on décroche un peu des quartiers où vivent les Parisiens. On recherche peut-être les lieux un peu plus touristiques, presque clichés », explique Rémi. Le Paris désuet et charmant des cartes postales, les cafés germanopratins de Jean Paul Sartre et Simone de Beauvoir, le Montmartre de Boris Vian ou le Luxembourg de Françoise Sagan.

Car Rémi ne quitte pas […] XolA

Attablés au Café de Flore, nous observons tous les trois – Rémi, Louise, la photographe et moi-même – ce tableau quotidien ponctué de passants, de touristes, de buveurs, de bons vivants et de serveurs, bien-sûr. Trois, non. Quatre bien-sûr. Car Rémi ne quitte pas son petit chiot Xola. Un adorable petit chihuahua, 10cm sans mentir, dont la cuteness made in Los Angeles lui vaut même d’avoir son propre compte Instagram. Impossible de rester de marbre devant ce petit bout de vie qui se donne en spectacle devant les habitués du Flore. « La première fois que l’on est venu ici, Xola a terminé sur le plateau des serveurs ». Qui a dit que c’était une vie de chien ?

Photographie en couleur d'un chien assis sur un scooter dans Paris et portant des lunettes rouge

« Il y a plein d’histoires au Flore, poursuit Rémi, et le croque-monsieur est vraiment très bon ! C’est aussi un quartier très emblématique pour la mode. Regardez cette femme avec cette écharpe rouge sur la tête, ou cette autre très bien habillée avec son tailleur Chanel. C’est aussi plus international ! On trouve tous types de gens ici : des riches, des pauvres, des nanny, des livreurs, des bourgeois, des hommes d’affaires… ». Dans cette micro-société germanopratine, Rémi s’inspire de tout et de rien, attiré par le moindre détail, comme ce chien qui attend son maître ce jour-là, assis sur un scooter. « Je suis très visuel, hyperactif en plus, donc je dois constamment être stimulé. J’aime quand les choses bougent ».

« J’ai une peur pathologique du non renouvellement »

Pour reprendre une expression surannée, Rémi a la bougeotte. Pas étonnant alors qu’il ait habité un peu partout. De l’Europe aux États-Unis, il a vécu à Paris, Bâle, Milan… La ville joue ainsi un grand rôle dans son processus créatif. Ses favorites ? New York, Bangkok, Los Angeles et Londres bien-sûr, « la meilleure capitale européenne ». « J’ai besoin d’être constamment surpris », explique Rémi. « Je m’ennuie très vite. J’ai une peur pathologique du non renouvellement, je suis en quête constante de nouveautés et d’un ailleurs. Vivre dans un nouvel écosystème, c’est un peu un challenge pour moi finalement ».

Portrait du photographe Rémi Ferrante en train de rendre une photo au café de Flore avec son chien Michelada sur les genoux

Mais c’est en Californie que le créatif a décidé de poser ses valises. « La première fois que je suis arrivée à Los Angeles, j’ai eu l’impression d’arriver pour la première fois dans un endroit qui ressemblait à ma ville natale, Montpellier ». C’est dans cette ville du Sud de la France où se croisent de nombreuses subcultures que le jeune homme grandit dans les années 90. Montpellier est alors une ville pleine d’énergies différentes, une ville de skate, de techno, de rave et de hip-hop. Né à La Paillade, l’une des premières cités de France, Rémi se nourrit de ce patchwork d’influences. Du FISP – festival international de sport extrême – aux Pingouins en passant par Borealis, le festival électro des 90’s où il se souvient notamment avoir vu Daft Punk. « Montpellier a toujours été un pôle de subcultures avec une esthétique vraiment singulière ». À la croisée de la culture punk à chien et de la high fashion, Rémy développe un regard aigu et incisif qu’il garde encore aujourd’hui. « J’y suis retourné récemment et j’ai été marqué par le style des jeunes là-bas unique en son genre. Je n’ai vu ça nul part ailleurs ».

« C’était le début du social media et du digital content »

Quand il débarque à Paris, son chemin croise l’agence L’Écurie qui possède son propre magazine Intersection. « On était une agence qui se grattait la tête pour savoir comment être sur internet. C’était le début du social media et du digital content. En bon nerd que j’étais, cela me fascinait. Il faut dire que je fais partie des initiés qui avaient une freebox en 2001 ! ». De cet amour pour la culture My Space, les blogs et les à-côtés culturels, Rémi comprend le Zeitgest, il l’anticipe même. Sa carrière se fonde ainsi sur une recherche artistique permanente fondée sur les subcultures, les marges, le out plus que le in, ou tout du moins avant qu’il ne le devienne.

2 appareils photos argentique posé sur une table de bistrot verte, avec la carte du café de flore et une paire de lunettes

« J’ai grandi avec une culture venue tout droit de Californie. ​​Le Ska, un style musical créé en Jamaïque à la fin des années 1950, mais aussi le rap américain, le skate coreOn achetait des CD en import-export pour se procurer de la culture étrangère et à l’époque, un mec me conseillait d’écouter toutes ces musiques venues de Californie à l’instar de Sublime et de découvrir les oeuvres de l’écrivaine et réalisatrice, Miranda July. J’adorais tous ces styles osés, à la fois pourris, décalés et ultra assumés. Ce mix de mauvais goût et d’avant-garde ».

une campagne aux couleurs électriques

Aujourd’hui, Rémi collabore avec les plus grandes marques de luxe et de sportswear – Lacoste, LVMH, Hypebeast, Nike, Asics, Adidas- et publie des éditos sur les pages en papier glacé des magazines. Pour sa dernière collaboration avec Casablanca, la marque de son ami Charaf Tajer, Rémi s’est rendu à Cuixmala, au Mexique, l’un des hôtels les plus beaux et les plus isolés du monde. « Le lieu est dingue, perdu au milieu de nul part. Ils sont auto-suffisants et il y a même une petite plage privée et un aérodrome. C’est incroyable ». Il en résulte une campagne aux couleurs électriques où les silhouettes des mannequins et leurs accessoires se fondent aux paysages grandiloquents de cette utopie architecturale.

Photographie de Xola endormie dans les bras de Rémi Ferrante au Café de Flore

Pour le photographe, le décor est essentiel. « Jessaye d’apporter de la réflexion dans la spontanéité. J’aime quand une photo est pensée dans les moindres détails, avec une lumière naturelle, de beaux contrastes et où finalement, on a l’impression que tout est facile alors que cela demande une vraie technique ». Une spontanéité déguisée qui interpelle le spectateur : mais comment a-t-il fait ? « Finalement, une belle image, c’est comme un bon tour de magie », conclut Rémi. « Rendre un moment intemporel et créer de l’ambiguïté entre le réel et la fiction ».

À ce moment-là, un enfant passe dans une poussette, sifflet en bouche, laissant derrière lui une plainte stridente. Rémi rit : « Paris, c’est l’art avant tout ». Ce n’est pas Tafmag qui dira le contraire.

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