Crumble Production[FRA]

  • Art & Peinture

Interview

Le 12.10.2022 par Julie Le Minor

Dans le décor de Crumble Production.

On est allé à la rencontre de Juliette Colin et Toni Avenard, l’emblématique tandem derrière le collectif d’artistes-auteurs, comédiens et scénaristes, Crumble Production, qui présente cette saison leur spectacle immersif « Au Bonheur des Dames » dans l’institution de Sèvres-Babylone.

Juliette et Tony de Crumble Production en train de discuter autour d'une table sur laquelle sont positionnés des légumes d'automne et un pichet en terre

Imaginez un grand magasin parisien à la tombée de la nuit. Le plus beau, le plus majestueux, le plus chic : le Bon Marché. Imaginez maintenant des ombres se faufiler derrière ses portes closes, investissant ses murs au milieu des vigiles et des rangées d’objets. Ils sont une trentaine, et soudainement, ils quittent leur vêtements de jour pour revêtir des apparats d’un autre temps. Des costumes, des robes, de la soie, du velours, de la dentelle. Bienvenue « Au Bonheur des Dames ». Celui de Juliette et Toni, à l’origine de la pièce immersive qui se joue chaque soir dans l’emblématique grand magasin de la Rive Gauche.

Coup de foudre platonique

Nous rencontrons le duo dans l’appartement de Juliette, au 6e étage d’un immeuble du 19e arrondissement, par une matinée grise qui marque le début de l’automne. Elle est metteuse en scène et directrice artistique, lui est auteur et scénariste. Le binôme s’est rencontré il y a quelques années lors d’une audition pour la première pièce de Juliette « Noces de Coton » dont elle est aussi productrice et co-autrice. Coup de foudre platonique. Ils ne se quitteront plus. Depuis, les deux artistes sont parvenus à séduire le Bon Marché qui leur confie chaque soir ce joyau parisien pour jouer un spectacle immersif de près de 3h dans les 3000m2 du grand magasin. Une adaptation du chef-d’œuvre bien connu de l’écrivain naturaliste Émile Zola, Au bonheur des Dames. Un récit qui raconte le rythme frénétique du monde moderne dans le microcosme parisien des grands magasins sur fond d’intrigues amoureuses, de mondanités et de drames.

Album photo de la pièce "Au bonheur des Dames" par Crumble Production posé sur une table vintage

« C’est incroyable de pouvoir jouer au Bon Marché tous les soirs, c’est vraiment le grand luxe », explique Toni en riant, qui confesse même parfois jalouser le calme et la volupté de la Rive Gauche. « Au début, durant les répétitions, on était vraiment perdu, c’était immense », reprend Juliette. « Pendant deux semaines, on a répété de 20h à 6h, quand le magasin était fermé. C’était vraiment magique ». La troupe passe la nuit à jouer, entourée de sacs Chanel, de chaussures Prada, sans oublier les vigiles. « On a dû apprendre à connaître les moindres recoins du Bon Marché et à éviter les alarmes : un terrain miné version grand luxe. Mais finalement, dès la première représentation, on s’est senti chez nous. ».

C’est un terrain de jeu sans pareil

La nuit, le monde secret et grandiloquent du Bon Marché s’offre à eux et la troupe revit le Paris bourgeois du Second Empire devant un public conquis. « Le spectacle immersif n’est pas encore très répandu en France, le public découvre cette forme théâtrale originale », reprend Juliette. Le concept, né dans les pays anglo-saxons, fait salle comble à Londres et New York et arrive ainsi enfin dans la capitale. « J’ai découvert le théâtre immersif à Londres, avec la célèbre compagnie britannique Punchdrunk, qui en est le fer de lance. On a vu leur spectacle Sleep No More, c’était complètement dingue, une vraie claque. Le décor était un hôtel de 5 étages dans lequel tu déambules à ta guise. Visuellement, c’est très riche ! C’est un terrain de jeu sans pareil, l’un des rares moments dans notre quotidien où tu n’as aucunes contraintes, tu est déconnecté, tu suis juste ton instinct ». L’aventure se trouve au bout du couloir.

Vu du salon de Juliette de Crumble Production. Tapis rouge et cheminée ancienne sur laquelle trône plusieurs cadres, des souvenirs et un bouquet de fleur

Depuis, le duo a découvert Burn City, à Londres, dont l’intrigue se joue dans un hangar. De l’underground londonien au monde merveilleux de la Rive Gauche, il n’y a qu’un pas. Pour réaliser ce pari fou de jouer au Bon Marché, le duo doit rivaliser d’audace et encadre une troupe d’une soixantaine de personnes qui comprend les comédiens, danseurs, techniciens, costumières… « C’est un peu comme si on tournait un film tous les soirs finalement », expliquent-ils en chœur. « Le théâtre immersif, ce n’est pas comme le classique, c’est une écriture particulière », souligne Toni. « Je suis parti écrire la pièce seul en Bretagne, chez mes parents, dans la maison où j’ai grandi. J’écoutais des playlists de musique classique en boucle – la musique compte beaucoup dans mon processus créatif – et j’ai créé une véritable matrice narrative pour nouer les intrigues des personnages ensemble. J’ai même créé un tableau Excel, c’était littéralement mathématique ! »

Juliette rencontre Toni, Toni rencontre Juliette

Si les mathématiques n’étaient certainement pas la vocation première de Toni, ni de Juliette d’ailleurs, le théâtre ne l’était pas pour autant. Le jeune breton fait ses études à Nantes avant de rejoindre Paris où il suit d’abord une carrière dans la communication auprès du chef Jean Imbert. Son amour de l’écriture et du théâtre le mène naturellement vers le Conservatoire du 20e où il se remet à jouer. Née de parents issus du milieu du cinéma, Juliette suit elle aussi des études « conventionnelles », une fac d’éco, avant d’être prise à la prestigieuse école Central Saint Martins à Londres : « Une expérience ultra-stimulante ». Elle suit une carrière protéiforme, passe par les rangs de Konbini, mais son amour pour le théâtre la mène lentement et sûrement vers l’écriture et la réalisation de « Dernières Fiançailles », sa première pièce imaginée avec une amie pour « divertir des potes ». Entre temps, Juliette rencontre Toni, Toni rencontre Juliette et la pièce se fait repérer par le Bon Marché. Vous connaissez la suite.

Juliette et Tony de Crumble Production sur les toit de Paris

À chaque représentation, Juliette endosse son rôle de metteuse en scène, Toni, celui de scénariste, et de Gaspard, le couturier du Bonheur des Dames, un personnage haut en couleur et extraverti. « C’est un peu une extension de moi », sourit-t-il. « Il est drôle, il aime le champagne et les mondanités. Parfois, en jouant, je me demande même : est-ce Toni ou Gaspard ? » Mais le duo ne compte pas s’arrêter là. Leur credo leur vient de la mère de Juliette : « Il faut toujours avoir un projet en développement, en production et en diffusion ». Un cercle vertueux qu’il tente de maintenir malgré un agenda déjà bien rempli, des projets annexes avec des marques et de nouvelles idées de pièces, notamment une inspirée des Dieux grecs. Leur rêve ? « La Villa Médicis ! » Le tandem s’y voit bien faire une résidence au milieu des oliviers et de la colline de Pincio, au cœur de Rome. En attendant, Toni rêve de repartir en Écosse se ressourcer, « je m’y verrais bien y vivre la moitié de l’année », confie-t-il. Tandis que Juliette pense déjà à son prochain voyage. Une ville, bien-sûr : « C’est là que je puise toute mon inspiration ! Au milieu des gens, du bruit, de la vie. Mais je ne me verrais pas vivre autre part qu’à Paris ».

perché sur les toits de la ville

Au milieu de ce salon typiquement parisien perché sur les toits de la ville, dans cette pièce paisible et harmonieuse recouverte d’affiches de théâtre et de meubles vintage chinés, on se dit que le Paris des artistes existe toujours et que le succès de ces deux-là ne fait que commencer.

Affiche de la pièce Dernières Fiançailles de Crumble Production, posé sur un clavier noir Zoom sur la cheminée et sur les différents cadres, vases et bougies déposé dans le salon de Juliette de Crumble Production

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