Marie Baudet[FRA]
- Art & Peinture
Interview
Dans cette interview peinture, on remonte le temps. Avec Marie Baudet alias HyperBaudet sur les réseaux, son « double superhéros », retour dans les années 1980. Au temps glorieux des VHS et des Renault 5. C’est l’enfance de Marie, dans la petite commune de L’Houmeau, en Charente-Maritime, quelque part entre l’île de Ré et la Rochelle. Mais c’est aussi la nôtre, par ces visages anonymes et ce fourmillement d’objets et de souvenirs familiers. L’anniversaire de la grand-mère et les vacances en camping-car. Les superbes pulls à carreaux de Papa et la coupe au bol du p’tit frère. Le magnétoscope et les polos Ellesse. La « chaise bistrot » de Michael Thonet. Ce sont nos souvenirs communs, notre album de famille. Marie s’inspire des photos Kodak gardées par ses proches, qu’elle collectionne et qu’elle recrée sur la toile. Elle a aussi étudié le cinéma et emprunte à Éric Rohmer sa nostalgie. Autre corde à son arc, Marie publie en bonus sur son site des mixtapes, rétro bien sûr, à l’image de ses toiles, entre disco et chanson française. Elle n’arrête pas. Cette année, elle a même été sélectionnée au festival international de la BD d’Angoulême, dans la catégorie jeune talent 2020. Et il y a peu, Marina Foïs a liké ses posts sur Insta. Consécration pour cette peintre touche-à-tout.
LA COLLECTIONNEUSE
« Hyperbaudet, c’EST une version améliorée de moi-même, un nom de super héros »
Pourquoi ce pseudo HyperBaudet ?
Parce que quand j’ai décidé de me créer un site, je me voyais mal l’appeler « mariebaudetpointcom« , je me suis dit que mes copains allaient se fiche de moi ! J’ai un nom de famille un peu drôle, (un Baudet est un âne avec des longs poils), le paradoxe avec Hyper me plaisait. Je trouvais qu’en plus, Hyperbaudet, c’était une version améliorée de moi-même, un nom de super héros.
D’où est né ton intérêt pour la peinture et ton style actuel ?
Il y’a eu un moment où j’ai eu envie de m’exprimer et que ça plaise, de manière basique. Je savais dessiner, j’ai appris enfant avec ma grand-mère, mais j’ai toujours essentiellement fait des visages, peu de paysages et presque que du crayon de papier ou du feutre fin noir. Je squizzais complètement l’étape couleur qui ne m’intéressait pas. Et cette fois-ci, je suis partie sur tout l’inverse. Déconstruction totale. De la peinture, pas de visage et riche en couleurs.
Raconte-NOUs l’histoire de ton « Album de Famille ». Elle est comment ta famille à toi ?
Au début, j’ai été très méthodique et j’ai eu une réflexion sur ce que j’avais d’intéressant à raconter. Donc apparemment, ma vie de famille il y’a 30 ans (avis aux psychanalystes !). Mon père a toujours été au top de la technologie, de la Hi-Fi, il avait des supers appareils photos, il en prenait tout le temps. Et comme j’ai une grande famille, on est 6 frères et sœurs (demi compris), j’avais énormément de matière sur laquelle me baser. J’ai commencé à travailler et le rendu peinture sur ces scènes de vie m’a plu. Il y avait quelque chose à la frontière du kitsch et malgré tout, il m’a semblé qu’on ne perdait pas l’aspect émotionnel pour autant. J’ai aimé ce décalage. L’absence de visage installait quelque chose de troublant, j’ai continué.
C’est quoi ton sentiment face à ces souvenirs et ces moments passés ?
Les souvenirs sur photos argentiques sont fascinants. Les cadrages ratés, le grain et les couleurs Kodak, les styles vestimentaires. Mon père était prof de tennis dans les années 1980. Imaginez les pures sapes qu’il avait ! La fascination vient aussi des vieilles photos en général. Ça a beau être vieux et loin, c’est manifestement nous, on a commencé par être ça. Et puis la mise en abime, au moment précis de la photo, de ce que nous vivions à cette époque, derrière les sourires, les grimaces, les poses.
« Mon père était prof de tennis dans les années 80, imaginez les pures sapes qu’il avait ! »
Quel est ton meilleur souvenir d’enfance ?
Je me rappelle m’être enfuie de l’école maternelle avec une copine, ce qui est assez fou quand on y pense aujourd’hui. Arrivées au bout de la rue, on n’a pas su quoi faire. Faute d’inspiration, on est retournées en classe !
Un élément iconique d’une enfance dans les années 1980 ?
Le walkman. Avant de partir en vacances en camping-car, je lançais un film sur le magnétoscope que j’enregistrais sur radiocassettes pour l’écouter ensuite durant les longs trajets de route. Ah et il y’avait le caméscope aussi… J’ai réalisé des films d’arts et d’essai incroyables durant ma première dizaine (rires).
Tu es nostalgique de ces années-là, tu as peur d’oublier ?
J’ai pu être nostalgique par le passé mais surtout dans sa posture romanesque. Véritablement, je n’aurais pas envie d’y retourner. Le futur me parait plus intéressant, et si les choses passent et s’oublient, Dieu soit loué !
Sur ton site, tu utilises l’adjectif « Rohmérienne » pour qualifier ta peinture. Qu’est-ce que tu aimes dans l’univers de Rohmer ?
C’est Laurent Zorzin, mon agent et galeriste à la Arts Factory, qui a écrit ce petit résumé. Je suis ravie qu’il utilise cet adjectif, il y’a un style fou dans les films de Rohmer, « La Collectionneuse » c’est super inspirant. J’ai fait des études de cinéma, il y’a sans doute un peu de ça dans mes peintures.
Tes visages sont anonymes. Les artistes QUI FONT CE CHOIX EXPLIQUENT que c’est pour que le spectateur puisse se glisser dans la peau des personnages. Et pour toi ?
Oui, il y a ça, le rendu troublant et également ça me permettait de garder une « mini » distance avec ma vie personnelle (rires).
Sur ton site, tu postes aussi des mixtapes. Comment lies-tu peinture et musique ?
La musique et ma pratique du dessin sont très liées. Je ne fais pas de musique mais je m’amuse à faire des mixtapes, à compiler les morceaux qui m’accompagnent en peignant. Ça va de pair, ça me porte. Ça fait un bilan musical d’une certaine période, d’une certaine peinture, c’est bien. Je mets ce que mes amis m’envoient, d’obscures vieilleries, ou des valeurs sûres écoutées 1000 fois. C’est l’avantage du dessin : avoir l’oreille disponible pour les podcasts, la musique. Ça c’est un truc vraiment cool.