Julien Lischka[FRA]

  • Illustration

Chronique

Le 23.09.2020 par Juliette Mantelet

Julien Lischka, coup de foudre à L.A.

Quand Julien Lischka se rend en Californie pour la première fois il y a 5 ans en se greffant à un voyage de potes un peu à la dernière minute, il est loin d’imaginer tout ce que va lui apporter cette ruée vers l’Ouest. Plus que fortune et douceur de vivre, c’est une deuxième maison, un style artistique entre aquarelle et palmiers et une histoire d’amour qu’il trouvera sous le soleil de L.A. Un nouveau rêve américain. Julien et la Californie, c’est une histoire de coup de foudre. En 30 secondes à peine, à la sortie de l’aéroport. Ils étaient faits pour s’entendre. Là-bas, l’artiste s’est trouvé. Et L.A. continue de le hanter, des années après.

Julien Lischka palmiers feuilles papier dégradésHOME AWAY FROM HOME

Julien n’est pas un grand fan de voyage. Il aime se sentir chez lui, dans son cocon. Pourtant, il y a cinq ans, il se rajoute de manière imprévue à ce voyage de dix jours en Californie. Meilleure décision de sa vie. Dès qu’il pose le pied là-bas, la magie opère. Julien prend une claque dès la sortie de l’aéroport, en 30 secondes chrono. Il est amoureux, enfin pas encore, ça on y viendra plus tard. « Direct, je sens le truc en pleine gueule et je me dis qu’il se passe quelque chose. Ce n’est pas un mythe ». « Ça fonctionne », ne cesse-t-il de répéter. Il n’avait jamais ressenti ça de sa vie. Et quand il arrive à son appartement, « au pied des Hills », le songe continue. « Au dernier étage de l’immeuble il y a un rooftop, avec une piscine et une vue à 360. Là je comprends que j’y suis, je vois Los Angeles, les palmiers, les montagnes, la lumière, les hélicoptères au-dessus de downtown. Je réalise que je suis dans la ville de John Frusciante et Anthony Kiedis qui m’accompagnent depuis plus de 20 ans avec Californication. C’est un rêve éveillé ».

On n’est pas vraiment étonnées, avec sa jungle de plantes qui envahit son petit appartement et nous emmène très loin de Paris, ses cheveux blonds californiens et ses tattoos, son tee-shirt où trône des palmiers, sa passion pour le film Drive, sa playlist composée des Red Hot ou des instrumentales de Cliff Martinez et son kiffe de la conduite, on imagine facilement Julien vivre à L.A. À la cool.

ciel rouge coucher de soleil palmiers

« Mon film préféré, c’est Drive et quand t’es là-bas, c’est comme ça. Tu mets de la musique et tu y es »

Avant de partir pourtant, de nombreux potes l’ont découragé, en lui répétant, pas franchement emballés, « ouais bon tu verras c’est grand, mais sans caisse tu ne peux rien faire ». Mais c’est justement ça qu’il a tant aimé. Rouler dans sa voiture, lever les yeux vers le ciel et les palmiers. Ces palmiers absolument immenses, avec leur port élégant qui ouvrent l’horizon. Julien a toujours été un rêveur, dans la lune. À vivre sa vie le nez en l’air. Ça tombe bien, en Californie les couleurs du ciel changent sans cesse et comme les bâtiments sont assez bas, quand on regarde vers le haut, on ne voit que le ciel et les palmiers. « J’avais un appart en face de la mer. Il y avait trois palmiers devant chez moi et je pouvais les regarder tous les jours, ce n’était jamais pareil. S’il n’y a pas de vent ils sont complétement plats, s’il y a un peu de vent ils bougent, ils te racontent des choses différentes avec la lumière ». Il évoque aussi ce climat océanique, « cette chaleur un peu lourde, un peu humide, cette luminosité très particulière, une espèce d’embrun. Tu sens le ciel dans l’atmosphère ». C’est ce climat et l’ambiance de sérénité, de nostalgie qu’il génère qui a marqué Julien, plus que les bars, la culture ou les gens. « Le matin, il fait gris jusqu’à 10h. Tu vas à Echo Park, un quartier un peu plus populaire, tu vas dans le parc et il fait tout gris, pas gris Paris, mais gris lourd, océanique. Et après, le soleil se lève et tu sens que les couleurs changent ». Plus qu’un lieu, la Californie est pour lui un état. « C’est l’Amérique au premier sens du terme. Mon film préféré, c’est Drive et quand t’es là-bas, c’est comme ça. Tu mets de la musique et tu y es ». La musique, justement, fondamentale pour Julien, son premier lien à la Californie. Il nous parle de cette playlist que l’on a tous, celle qu’on mettra nous aussi un jour en sortant de l’aéroport de L.A. Celle que tu mets pour rouler, bien sûr. La Californie c’est un état d’esprit, un déplacement, aussi. « Ma Californie j’adore la vivre dans la voiture, je vais voir les shops allumés la nuit et je me sens dans un film. Je la regarde toujours avec le regard suspendu vers le ciel ».

Julien a trouvé un autre chez lui à l’autre bout du monde. Un futur lieu où s’installer un jour. « J’attends que la période Covid passe mais je veux retourner en Californie. J’ai ce rêve secret d’y aller habiter », nous confie-t-il. Il veut passer sa vie à rouler, regarder les couleurs du ciel, vivre et ressentir la nostalgie californienne, la lourdeur d’atmosphère. « J’ai envie de m’y replonger et surtout de dépasser le cadre du fantasme ». Vivre à L.A. et ne pas y revenir seulement en touriste. Voir si le coup de foudre va opérer de nouveau, sur le long terme. Peut-être s’y caler une mini expo. Car ses palmiers, Julien en est convaincu, ont leur place là-bas. Là où il a laissé son esprit. Et son cœur.

« J’y suis allé pour rien et j’y ai tout trouvé. Je pense qu’une part de moi est restée là-bas »

dessins palmiers dégradés couleursMATCH SENTIMENTAL

À peine arrivé sur place et remis de son coup de foudre avec la Californie, Julien tombe sur une fille qu’il n’est pas prêt d’oublier. Elle non plus. Il se souvient de ces moments avec précision. « Au 8221 Sunset Boulevard, on entre dans cet hôtel, loin de l’image des palaces épurés, une ambiance chargée mais cosy, c’est le château Marmont. C’est là que je la vois, elle travaille à la réception et s’occupe de placer les gens à la table du restaurant en terrasse, remplie de plantes et de fleurs. J’ai direct un coup de foudre celui qui n’arrive vraiment pas souvent. J’ai 14 heures d’avion dans la gueule, pas douché, mal habillé. Je n’ose pas la regarder mais elle porte une robe longue à fleurs et sent la Californie. ». Ils se parlent, Julien récupère son numéro et repart le sourire aux lèvres. « Je la revois le lendemain, un coup de tête avec mes potes et elle part pour un aller-retour à Las Vegas avec nous. » Pendant ce trajet, pourtant cinématographique, Los Angeles lui manque déjà cruellement. Ils se revoient deux soirs plus tard. « Il est 19h45, le soleil se couche sur la highway, elle habite Echo Park. Je reconnais tout de suite l’endroit du film de Nicolas Winding Refn. Les palmiers sont gigantesques, il y a un petit lac ». La Californie, ce coup de foudre, c’est comme dans un film. Après un premier baiser échangé, la soirée continue dans une crique un peu secrète, à 45min de route de Malibu. Il fait nuit noir, l’océan les berce. Ils y passeront la nuit, « entre deux rochers, l’un contre l’autre ». C’est cette rencontre qui lui fait aimer la Californie encore plus fort. Pour retrouver sa California Girl, Julien conduit seul, se déplace de manière autonome, ce qui lui procure « le sentiment d’appartenir à la ville ».

Julien clôt ce chapitre californien avec ces mots : « J’y suis allé pour rien et j’y ai tout trouvé. Je pense qu’une part de moi est restée là-bas, et qu’une part d’elle est restée avec moi. Mon travail est teinté de ces moments avec elle, la douceur, le temps qui passe, les couleurs qui changent, cette atmosphère océanique et les palmiers en guise d’horizon. La cité des anges ». Sans se douter que la Californie ressurgira dans sa vie, des années plus tard.

ciel bleu palmiers câbles californieEsthétique CALIFORNIENNE

L’imaginaire californien n’a jamais quitté Julien. Il est là tapi, inconsciemment, depuis ses premiers pas sur le sol de L.A. Et un jour, quelques années plus tard, alors que Julien est un peu perdu, qu’il se cherche artistiquement, s’efforce de trouver sa patte, ses souvenirs californiens ressortent pour lui montrer sa voie. « Il y a deux ans, à Noël, je suis rentré chez mes parents, j’avais ramené de l’aquarelle, des stylos. Et je regarde un palmier que j’avais en fond d’écran. J’adore les plantes, alors je commence à gratter ce palmier, je mets une tâche d’aquarelle et là, je regarde le dessin et je me dis qu’il y a un truc. Après je n’ai pas arrêté de faire ça pendant six mois, en masse » raconte l’artiste qui nous montre en même temps des dizaines de feuilles à dessin, des piles entières avec toujours ce même motif de palmiers devenu sa marque de fabrique. Il finit par se demander, « mais pourquoi j’aime tellement les dégradés, la lumière, les palmiers ? ». Et là, tout lui revient. C’est la Californie qui refait surface, sa madeleine de Proust à lui. Ce voyage gravé dans sa mémoire. Ses illustrations représentent tout ce qui lui a plu à L.A. Les heures de la journée californienne, la couleur qui change. « À 8h ou à 10h, ce n’est jamais la même ambiance ». Le ciel gris du matin d’orage, le coucher de soleil orangé sur le désert. Son art joue sur ses souvenirs, ses réinterprétations, ses réminiscences. La Californie l’a révélé, lui a offert son univers.

Chacune de ses aquarelles, toujours unique, est un résumé parfait de son voyage. Les palmiers impressionnants, en mouvement. Auxquels il ajoute quelques feux, des stops, des câbles, passionné par « la DA Californienne » comme il dit. Les dégradés du ciel océanique. Les typographies qu’il rajoute à l’encre noire, comme de la calligraphie japonaise, qui sont en fait des titres de chansons, extraits de sa playlist Wrong Floor, du nom d’un son de Cliff Martinez. Cet univers, obsessionnel, il est prêt à le décliner sur 15 ans nous assure-t-il, un peu à la manière de Soulages et sa quête éternelle du noir. « Je n’ai pas encore du tout fini d’exploiter ça, j’ai encore plein de dégradés à faire, j’ai envie de faire aussi des grands formats, de décliner cet univers sur des vêtements ». Il a même imaginé une collaboration avec Vans avec une série de chaussures dégradées selon les heures de la journée.

ciel flamboyant orange palmiersciel rose pâle palmiers ombres« Tout le monde aime la Californie, les palmiers, les dégradés, ça fonctionne, c’est pop comme univers ». Julien veut avant tout procurer l’évasion. « Comme quand tu regardes le ciel en écoutant de la musique dans un parc ». Il affirme haut et fort ce besoin d’un ailleurs. Pendant le confinement on lui écrit carrément : « tu es ma bouffée d’oxygène dans ce monde de merde ». Lui, il cite Michel Houellebecq, dans La Possibilité d’une île, « Il y a une phrase célèbre qui divise les artistes en deux catégories : les révolutionnaires et les décorateurs ». Julien se voit clairement comme un décorateur, un contemplatif séduit par la nature. « Pose toi et regarde. Voyage. Sens-toi en Californie », ça c’est le mood qu’il veut générer. Chez Tafmag, où l’on prône l’incroyable légèreté de l’art ça nous parle, forcément. Comme le disait si bien Cléa Vincent au cours d’une interview à nos côtés, « Votre rôle c’est le même que le mien, changer les idées aux gens à travers des créations légères et colorées. Chacun son rôle dans la vie. Il y a les grands reporters qui vont sur les lieux de guerre, et heureusement qu’ils sont là pour qu’on se rende compte de l’état des lieux. Mais chacun sa spécialité. » Nous, on est pour les artistes décorateurs et les « paillettes dans nos vies » d’Inès Reg. Encore plus à l’heure des masques et des virus.

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