Pauline & Marie de Coup d’été[FRA]
- Musique
Interview
Dans le bureau de Pauline et Marie, les fondatrices de Tafmag
Alors que Tafmag fête ses 10 ans cette année, plein phare sur Pauline Guillonneau et Marie Durantet, le duo qui se cache derrière cette entité créative à 360. Rencontre dans leur agence parisienne, rue Amelot, en plein cœur de la rive droite.
Lorsqu’on les retrouve cet après-midi là dans leur bureau, les deux fondatrices de Tafmag sont confortablement installées dans le canapé en velours de l’open space cosy et design qu’elles occupent depuis quelques mois avec une autre agence d’événementiel, La Riposte. Une fois n’est pas coutume, pour célébrer les dix ans de l’agence, le duo a décidé de revenir ensemble sur la genèse de ce projet protéiforme né d’une passion commune, mettre en lumière les nouvelles générations créatives, et d’une rencontre fusionnelle, la leur.
Un défi de taille
2013. Fraîchement revenue d’Australie, encore baignée par la vague arty et hippie dans laquelle elle a évolué, Pauline, diplômée en journalisme et communication, découvre avec stupeur une nouvelle scène parisienne en pleine émulation créative. Lassée de voir toujours les mêmes têtes d’affiche dans la presse mainstream, elle décide de se lancer un défi de taille : créer un magazine papier dans lequel on parlerait des artistes émergents qu’elle rencontre au gré de ses pérégrinations dans Paris, dans des ateliers, des concerts et même des squats. Deux ans plus tard, c’est l’été et Pauline fait la connaissance de Marie, alors chargée des relations presse d’une grande galerie d’art contemporain. Tout de suite, le courant passe. Une vraie alchimie se crée. Elles ne le savent pas encore, mais les deux jeunes femmes vont passer les huit prochaines années côte à côte à bâtir Tafmag, à la fois magazine culturel et agence créative et événementielle.
Dès ses débuts, Tafmag, d’abord né sur le web, a vocation à prolonger l’expérience papier avec des événements physiques. L’idée : fusionner l’édition, la culture indé, l’art, la musique, la food mais aussi, et surtout, la fête. Autant de passions que Marie et Pauline ont en commun. Lors des soirées qu’elles organisent aux quatre coins de la capitale, des artistes encore inconnus font leur premiers pas sur scène, à l’instar du groupe Pirouettes, Nusky & Vaati ou encore L’Impératrice. « On a vraiment fait jouer des artistes que personne ne connaissait à l’époque et ce qui est génial aujourd’hui, c’est d’avoir encore la marque sur papier de l’éclosion de toute cette nouvelle scène artistique et musicale qui a finalement grandi à nos côtés ces dernières années ». Le secret de leur curation ? « L’intuition », répond Pauline, en souriant. « Ici, on fonctionne à l’instinct et à l’émotion. Quand on découvre un artiste, on se demande toujours ce que l’on ressent : est-ce que c’est beau, profond ? Est-ce que ça a du sens ? ».
Le monde est petit, mais l’intuition est grande.
Rapidement, Marie et Pauline comprennent les nouvelles synergies qui se tissent entre la scène artistique émergente et les marques, de plus en plus désireuses de se poser comme néo-mécènes ou prescripteurs de tendances. En remontant le temps, Pauline se souvient d’un jeune musicien qu’elle rencontre au hasard d’un bar à New York et à qui elle propose une interview qui durera finalement trois heures sur un rooftop de Manhattan. Quelques années plus tard, ils se croisent de nouveau par hasard lors d’un festival en France. L’inconnu new yorkais, Lewis, est devenu l’un des membres des Oracle Sisters. « Comme quoi, elle a du flair », souligne Marie, en riant. Le monde est petit, mais l’intuition est grande. Dans les pages du magazine, aucune critique, mais toujours cette volonté de parler des projets et des artistes qui les passionnent. « Malgré les différences entre chacun d’entre eux, on retrouve ce côté optimiste, solaire et hédoniste qui fait aussi l’ADN Tafmag », reprend Marie.
Tafmag, ce sont des projets pointus, colorés et audacieux, avec toujours cette petite touche arty, mais c’est aussi une communauté. L’agence à taille humaine laisse la part belle à la rencontre et au spontané, et au fil des ans, les filles ont su fédérer autour d’elles une myriade de créatifs, musiciens, plasticiens et illustrateurs. Porté par une génération caméléon, le duo a vite compris l’importance d’être polyvalent et multi-casquette. Directrices artistiques, curatrices, rédactrices, communicantes, le jour. Puis à la nuit tombée, les « DJ Babes » passent derrière les platines. « On a littéralement appris au culot », se souvient Marie. « Avant le Covid, c’était devenu une part importante de notre activité et on mixait plusieurs soirs par semaine ». Des nuits où se mêlent des influences italo, house et disco et où se croise la communauté Tafmag réunie le temps d’un soir autour d’un même hédonisme : danser et lâcher prise.
une énergie contagieuse et une pluie de good vibes
Du Bus Palladium au Café de la Presse, en passant par le Chalet des îles ou le Point Éphémère, les filles transmettent dans leurs sets leur passion pour la musique et pour la fête, mais aussi une énergie contagieuse et une pluie de good vibes. Parmi leurs meilleurs souvenirs sur scène, une soirée au Bateau Festival où elles mixent devant une foule en liesse, qu’on leur demande même d’arrêter tant il n’y a plus personne à la scène d’à côté, et un set à la Douve Blanche après le Covid. « Un moment incroyable », confie Pauline. « On voyait les gens avec de si grands sourires danser devant nous, ils nous renvoyaient tellement d’amour, c’était fou ». Agence, média, dj set, au fil des ans, le visage de Tafmag se dévoile. De Paris à Singapour, en passant par Marbella, Pauline et Marie se retrouvent à vivre des moments insolites qui prolongent leur complicité en dehors des murs de l’agence.
À les voir côte à côte dans le canapé, l’une brune, l’autre blonde, on se dit que le duo s’est bien trouvé. Il émane d’elles une véritable osmose. « L’entité Tafmag nous permet de faire beaucoup de choses et de réaliser nos projets à bien », explique Marie. « Finalement, on exerce non pas un, mais plusieurs métiers passion. L’objectif, c’est quand même d’aller au bureau chaque matin avec le sourire. Le côté multicasquette permet aussi de ne pas s’ennuyer : aucune journée ne ressemble à une autre ». Dans l’agence, qu’elles occupent avec leur équipe et notamment Léa, cheffe de projet, qui a rejoint l’aventure Tafmag il y a 4 ans, les filles se challengent constamment. « Aujourd’hui on a envie d’étendre notre réseau créatif à l’étranger pour renouveler la machine », poursuit Pauline. « On s’intéresse beaucoup au Moyen-Orient, en pleine effervescence artistique. C’est cool de découvrir une nouvelle vibe et de ressentir à nouveau cette émulation créative à laquelle on a pu assister il y a quelques années ici ».
« notre plus grande force, c’est le fait que l’on soit deux, que l’on se comprenne et que l’on se soutienne constamment »
Huit ans après leur première rencontre, les deux fondatrices ont du mal à imaginer le chemin parcouru. « C’est la beauté de la vie, à l’époque, je ne pouvais pas imaginer tout ce qu’on pourrait accomplir en allant chercher Marie sur un coup de tête pour intégrer Tafmag », confie Pauline. « Je suis fière de tout ce que l’on a réalisé. Parfois, on navigue encore à vue mais on est parvenue à créer une véritable communauté d’artistes, des gens qui se sont rencontrés au sein de l’écosystème Tafmag et qui par la suite ont pu collaborer ensemble. Et souvent, lorsque je tombe sur l’un de nos projets, je me dis que l’on s’est bien fait chier », continue-t-elle en riant. « Mais ça en valait clairement la peine ». Dix ans, ça se fête. Le secret de la longévité ? « Le duo, une fois encore », répondent-elles en chœur. « Une agence, c’est tellement lourd à porter, tellement intense que notre plus grande force, c’est le fait que l’on soit deux, que l’on se comprenne et que l’on se soutienne constamment », explique Pauline. « On est tellement attachées à ce style de vie que revenir à une structure plus traditionnelle nous semble aujourd’hui impossible. On a une telle liberté que cela permet de dérouler en toute circonstance, même dans les situations les plus difficiles ».
Et pour les 10 ans, une grande annonce à faire
Aujourd’hui, le duo fait face à un nouvel enjeu de taille puisque Pauline est partie s’installer à Dubai une partie de l’année. Elles doivent maintenant apprendre à gérer une relation longue distance, confessent-elles dans un sourire. « Le plus dur dans l’entreprenariat finalement, c’est de s’adapter à la vie », résume Pauline. Le Covid, un déménagement, ou même un bébé, puisque à l’heure où nous parlons, cette dernière attend un heureux évènement cet été. « Constamment se réadapter, être flexible et avancer en duo, c’est le principal », poursuit Marie. Pour inaugurer ce tournant, les « Tafgirls » ont décidé qu’il fallait marquer le coup. Alors Tafmag change de nom ! « On a envie de repartir sur un nouveau souffle. Ce nom Tafmag restera évidemment gravé dans nos mémoires et dans nos cœurs, mais on pense que c’est le bon moment pour évoluer et passer à un nouveau chapitre ». On n’en saura pas plus pour l’instant. En attendant, séparées par près de 7000 kilomètres, les filles se parlent chaque jour une heure et demie au téléphone. « J’ai compté », admet Pauline. Alors pour les 10 ans de Tafmag, que leur souhaiter de plus ? Après les avoir côtoyé durant ces deux dernières années, je dirais toujours plus de créations, de musique, d’art et de fête, toujours plus de DJ sets, de smile, de love et de paillettes. Happy birthday Tafmag !
Ndlr : merci à toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à Tafmag – on ne saurait remercier toutes ces personnes qu’on ne pourrait citer dans leur entièreté tellement il y en a – qui nous ont suivi, accompagné, écouté, fait confiance depuis 10 ans. Merci à celles qui nous entourent actuellement au quotidien : Léa, cheffe de projet Tafmag depuis 2019, Julie et Louise, en charge des mots et des photos Tafmag, Luna, notre merveilleuse « DA ».