Schérazade
- Musique
Interview
Chanteuse aux mille et une facettes, la talentueuse Schérazade s’est prêtée au jeu de l’interview pour la sortie de son nouvel EP, « Pink Flamingo ». L’occasion pour TAFMAG de déceler qui se cache derrière cet énigmatique personnage.
Une musique plurielle
Originaire de Béziers, la jeune femme se forge une riche identité musicale depuis son installation dans la capitale, multipliant les rencontres et les collaborations significatives comme sa dernière en date avec le chanteur néerlandais Thomas Azier. Ses débuts, elle les a faits dans les pianos-bars parisiens à la manière des chanteuses d’antan, prête à saisir la moindre opportunité qui lui permettrait de lancer sa carrière.
Aujourd’hui, Schérazade puise aussi bien ses influences dans la musique que le cinéma, nourrie depuis l’enfance à la soul, à la musique yéyé et aux films des fifties. La voix suave de Billie Holiday, la poésie de Christophe ou encore l’esthétique du réalisateur John Waters traversent l’univers artistique de cette musicienne révélée par la reprise du titre des 70’s “L’amour à plusieurs” d’Ann Sorel.
Dans son deuxième EP, elle a délaissé l’anglais au profit du français comme pour mieux se livrer à ses auditeurs. Sa musique, authentique et plurielle, reflète parfaitement la personnalité de cette artiste à la voix envoûtante et sensuelle. Rencontre.
Commençons par des présentations. Tu as un prénom tout droit sorti des “Mille et une Nuits”. Mais qui es-tu Schérazade?
Derrière Schérazade se cache une femme au mille et une facettes. Ça se retrouve dans mes chansons. J’aime bien jouer à plusieurs personnages et aborder différentes thématiques. C’est ça, mille et une facettes, c’est tout moi (rires) .
Revenons sur ton parcours, tu as grandi à Béziers, comment en es-tu venue à la musique ?
J’ai fait le conservatoire de musique et de danse à l’âge de 5 ans et à partir de là, j’ai développé une conscience musicale. J’ai composé dès l’âge de 12 ans mes premières chansons et ensuite j’ai commencé à pianoter un peu. Et puis de plus en plus. Après le bac, j’ai décidé de partir vivre de ma passion à Paris.
C’était important de te rendre dans la capitale ? Tu es venue chercher quelque chose en particulier?
Je savais que Béziers n’était pas une ville où je pourrais m’émanciper. Je voulais élargir le champ des possibles, rencontrer des musiciens. J’avais conscience que tout se passait à Paris. Une fois arrivée, j’ai rencontré pas mal de professionnels avec qui j’ai fait du chemin.
C’est toutes ces rencontres qui t’ont permis de densifier ton univers musical ?
Exactement. J’ai eu pas mal de groupes quand je suis arrivée. J’ai commencé par faire des pianos-bars. J’ai été découverte par un directeur artistique de chez Universal. C’était mon premier label. Là je viens de signer chez Wagram Music et j’ai rencontré Renaud Letang. C’est venu avec lui, et avec Rory qui joue pour Connan Mockasin, Feist et Infinite Bisous. Avec eux, j’ai eu ma première expérience parisienne significative et j’ai vite décidé de reprendre le titre d’Ann Sorel, “L’amour à plusieurs”.
Pourquoi avoir fait ce choix de reprise ? Le texte est très audacieux pour les années 1970.
Un ami me l’a fait découvrir. Elle m’est tombée dessus. Je voulais chanter en français car lorsque je tournais dans les bars je ne chantais qu’en anglais. C’était plus facile quand j’ai découvert “L’amour à plusieurs”. J’ai halluciné car c’est un titre intemporel, très actuel. La façon dont Ann Sorel pose avec sa voix nonchalante, j’ai adoré. Ce fut les prémices de ce que je compose maintenant. Ça m’a aidé à poser ma voix et à écrire mes propres chansons en français.
J’aimerais revenir sur ton univers musical justement. Il y a des sonorités 60’s et 70’s un peu yéyé mais aussi un côté très funk dans ta musique. Quelles sont tes influences ?
Elles sont très diversifiées. C’est pour ça que je parlais de 1001 facettes (rires). Petite, ma mère m’a fait découvrir la musique égyptienne. Je regardais des comédies musicales incroyables. C’était un peu comme le cinéma de Bollywood, avec des danseuses. Tout était tellement plus libre ! Les femmes étaient dévêtues ; il y avait de l’alcool, des cigarettes. L’Egypte a bien changé. Ensuite j’ai découvert Billie Holiday. Mon premier frisson musical c’était avec “Gloomy Sunday”. J’écoutais aussi beaucoup de chansons françaises car ma mère adorait la variété. “Aline” de Christophe par exemple. J’ai su très tôt que je voulais faire quelque chose de rétro. Totalement à l’image de “L »amour à plusieurs” mais maintenant j’essaye de rajouter un peu d’électro pour moderniser ma musique. Il y a toujours ce côté 60’s et 70s. Ça fait partie de moi.
Et en même temps tu poses ta voix comme des chanteuses telle Pauline Croze. Est-ce que c’est une référence qui te parle ?
Oui j’adore Pauline Croze, c’est vrai qu’on a un timbre assez similaire ! Pauline si tu m’entends (rires). On m’a déjà comparé à elle. On m’a dit Catherine Ringer (des Rita Mitsouko, ndlr) et Amy Winehouse aussi, ça dépend. Dans chaque titre je peux moduler ma voix.
Tu aimes jouer un personnage sur scène. Arriverais-tu à le définir ?
C’est un personnage qui n’a pas froid aux yeux, excessif, qui vit à 1000 à l’heure et qui est hors limite. J’ai toujours eu un esprit rebelle même si je suis de nature calme. J’ai toujours eu un petit grain de folie comme tout le monde je pense mais qu’il est particulièrement présent quand je suis sur scène et quand j’écris.
Dans “Pink Flamingo”, je voulais parler de ce film un peu trash. Comme pour “L’amour à plusieurs”, je ne me suis pas arrêtée aux paroles. Tout le monde était choquée. Beaucoup de personne m’ont demandé pourquoi j’avais choisi cette chanson. Je ne veux pas être rebelle pour être rebelle ; je suis comme ça. J’aime vivre au delà des limites. Il ne faut pas se mettre des barrières artistiquement.
On va en venir à ce deuxième EP. Comment s’est-il construit? Comment as-tu appréhendé tes nouveaux titres ?
Les mélodies me viennent souvent dans les rêves. Ça a été le cas pour “Pink Flamingo” où les images du film éponyme de John Water me sont également apparues. L’image est très importante dans mon projet. J’ai pensé à Divine, le personnage du film et je me suis dit que ça serait génial de parler d’une thématique où tout est permis. J’ai imaginé un lieu où l’on pourrait être dans l’excès, où l’on parlerait de sexe, d’alcool et de folie dans un « Paris by Night ». J’ai transposé l’univers du film dans le Paris d’aujourd’hui. J’ai aussi voulu faire un clin d’oeil à “Paris Dernière”, l’émission de Thierry Ardisson. Le texte m’est venu d’un coup, d’une traite. C’est ma manière de composer. C’est intuitif.
Revenons justement sur cette identité visuelle à l’esthétique très marquée. Est-ce que c’est important pour toi de mettre en avant la beauté ?
Oui, car je suis férue de cinéma, des films des années 1950. J’aime cette période où la femme était sublimée. Je pense à “Carnaval Of Souls” de Herf Karvey, qui a influencé Lynch. Il y a Rus Mayer aussi que j’adore. Bon, on voit souvent des femmes aux gros seins. On appelle ça la « Porn Sexplotation » mais pour moi ça va au-delà de ça. Les filles y sont dévêtues mais elles sont libres. Pour moi, ce n’est pas misogyne de montrer ces femmes ainsi. Ce sont avant tout des femmes fortes. J’ai découvert ce cinéma d’auteurs. Il y a aussi toute la période de la Nouvelle Vague. Godard, Truffaut… Un cinema où on met les codes à la poubelle, une caméra à l’épaule et hop, tout devient permis.
Du coup plus spectatrice cinéphile que réal ?
Si, j’ai réalisé un de mes clips “Simple” de mon premier EP ! On a filmé de nuit, c’était assez contemplatif. Je voulais le faire moi même mais il y a vouloir et pouvoir. Je crois que j’ai quand même réussi. Quand je rencontre les réalisateurs de mes clips, ça a toujours été une discussion à deux ; je donne mes idées, je suis très présente.
Pourrais tu nous parler de ta collaboration avec les talentueuses Elsa et Johanna pour “Crise Humaine” ? Est-ce que tu y as mis un peu de ta patte ?
Oui, c’était une discussion à trois. Elles m’ont demandé comment je voyais le titre, les images et là j’ai parlé d’une forme de folie pure, je voyais beaucoup de couleurs, de flashs, et elles ont fait tout le reste. Elles avaient l’idée d’une scène, d’un plan, un tableau et moi pareil. C’était vraiment un travail intéressant. Il y avait beaucoup de maitrise. Elles ont dessiné un storyboard sublime à la main et on s’est lancées dans le tournage. Ce sont deux filles très talentueuses.
Tu écris également en anglais mais dans “Pink Flamingo”, les textes sont exclusivement en français. C’était important pour toi de prendre part de ta langue maternelle, de t’exprimer en français ?
Oui. Ce titre “Simple” est le seul chanté en anglais. Ce texte est une mise à nue et je n’arrivais pas à le faire en français. Je n’ai pas voulu le retranscrire et je me suis dit que c’était la dernière fois. Si j’avais eu plus d’audace je l’aurais fait en français. J’ai été pudique.
Donc pour toi chanter en français c’est une question d’audace ?
Totalement, il n’y a pas de filtre. Tout se comprend, tout s’entend, c’est ma langue maternelle. Et puis c’est une langue difficile à poétiser. C’est très difficile à la faire groover aussi ! C’est pour ça que j’écris toujours la musique en premier, le texte vient après. Beaucoup d’artistes que je connais écrivent sur une page blanche puis font la mélodie. Pour moi, c’est impossible. Il faut que ça groove, il faut que l’on oublie la langue française même si le texte est là et qu’il est assumé.
Tu écris et tu composes également pour les autres, notamment pour Stromae ?
On s’est rencontrés et j’ai eu la chance de partir dans son studio à Bruxelles. Il avait déjà quelques titres de prêts pour son album mais il m’a dit qu’il me verrait bien sur “Ave Cesaria”. On a bossé un peu ensemble les topline et on entend ma voix sur les refrains. Une chouette expérience ! C’est une personne que j’adore, très touchante. J’aimerais bien travailler avec lui sur mon album.
As tu d’autres collaborations de prévues ?
Je bosse sur un titre avec Synapson et Joris Delacroix, « I Wanna« . Ça sera sur son prochain album. On m’a contacté et j’ai adoré. J’adore ce qu’ils proposent, leurs sons, leurs univers. On a composé et écrit à quatre. Ils m’ont invité au Zénith en avril dernier pour l’interpréter, c’était vraiment chouette .
Et maintenant, le mot de la fin ?
Vive la musique! Trop “cheezy” ?
Schérazade
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Photos Screenshots du clip « Crise Humaine » © Elsa & Johanna