Napkey[FRA]

  • Musique

Napkey c’est un projet musical d’électro douce, planante et rêveuse. D’abord lancé par Benjamin, il s’est vite transformé en un duo, dans la création et sur la scène. Ensemble dans la vie et dans la musique, Benjamin et Justine déploient aujourd’hui un univers futuriste aux clips soignés où tenues de cosmonautes, robots et hologrammes se mêlent joyeusement.

Interview

Le 29.06.2018 par Juliette Mantelet

 

  • RETOUR VERS LE FUTUR

Il était une fois Benjamin et Justine, deux musiciens qui se sont rencontrés à Shanghai, se sont revus à Paris et ont découverts ensuite qu’ils habitaient à quelques mètres l’un de l’autre. À l’origine, Benjamin avait monté son projet musical électro seul, Napkey, ou la clef de la sieste, le moment où il préfère écouter de la musique et puis il a rencontré Justine, qui s’est très vite intégrée au groupe grâce à sa formation classique et avec qui il partage aujourd’hui sa vie.

Napkey fait un peu figure d’ovni dans le paysage musical. En effet, si beaucoup de groupes aujourd’hui semblent avoir délaissé les textes à messages pour parler plutôt d’amour et du quotidien, Napkey développe au contraire dans ses titres, dans ses clips et dans son esthétique, une véritable histoire, focalisée sur le futur. Ils souhaitent imaginer un futur optimiste, bien loin de « The Handmaid’s Tale », « Star Wars » ou « Hunger Games ». Un futur intelligent, écologique et surtout pacifiste.

Rencontre avec ce duo d’astronautes musicaux qui met la main à la patte au point de créer ses propres instruments, se développe sur tous les supports et s’engage pour un futur plus beau.

 

C’ÉTAIT QUOI NAPKEY AU DÉPART ?

B : Au départ, j’étais un artiste solo, je faisais de la musique par plaisir, chez moi. Beaucoup d’électro, c’était une référence du moment et c’est ce qui était le plus accessible pour moi. Ça a commencé en 2015 sur Soundcloud, j’ai posté mes premiers morceaux, j’ai vu que ça plaisait donc je me suis dit que j’allais aller un peu plus loin, me trouver un nom et une identité. J’ai décidé de m’appeler Napkey, qui signifie littéralement, « la clef de la sieste ». Avec ce nom, je voulais surtout me distinguer de l’EDM très violente de l’époque. Je voulais mettre l’emphase sur le fait que je composais de la musique onirique et rêveuse.

POURQUOI CE PASSAGE EN DUO ?

B : Pour être honnête, je pensais que Napkey allait rester un projet solo. Mais le fait est, qu’à partir du moment où on s’est rencontrés avec Justine, elle a ensuite toujours été derrière moi quand je composais. Elle a une approche beaucoup plus traditionnelle et théorique de la musique que je n’ai absolument pas. Elle a donc pu m’apporter des corrections et jouer « l’arrangeuse » finale de l’album. La deuxième étape, ça a été l’unique concert que j’ai fait tout seul, au Trianon, en première partie de Broken Back. C’était la première fois que je faisais ça, je ne savais pas du tout comment me positionner en live. Et même si ça s’est très bien passé, on s’est rendu compte tous les deux qu’il manquait quelque chose. Ça faisait très statique et pas très démonstratif alors qu’on voulait que ça le soit. On en n’avait pas parlé avant, mais là c’est devenu évident qu’il fallait que Justine vienne avec moi sur scène et fasse ce qu’elle savait faire, chanter, jouer de la basse et apporter de l’humain et du dynamisme dans cette structure.

J : C’est aussi à ce moment-là que Benjamin a quitté son job pour se mettre entièrement dans la musique donc je me suis dit, « autant y aller aussi ». J’avais déjà fait de la scène, je savais jouer, c’était logique.

JUSTINE, C’ÉTAIT QUOI TON PARCOURS
AVANT DE REJOINDRE NAPKEY ?

J : J’ai fait de la musique classique pour commencer, pendant huit, dix ans. J’ai aussi fait du djembé et de la basse entre les deux (Rires). Donc j’ai fait beaucoup de concerts solo ou en orchestre. J’ai toujours, toujours fait de la musique et de la scène, même si c’était des petits trucs. La musique c’était vraiment ma vie.

B : Alors que moi j’ai commencé sur le tard, vers 16 ans.

ET CELA N’A PAS ÉTÉ TROP DIFFICILE
DE PRENDRE LE PROJET EN ROUTE ?

J : Non, pas du tout, car ça s’est vraiment fait en douceur. J’ai d’abord mis un peu le nez dans le projet en lui donnant quelques conseils, « Oh là tu pourrais plutôt mettre ça », et ensuite on s’est mis à être sur scène ensemble, à chanter ensemble et puis maintenant on fait tout ensemble. C’était vraiment progressif donc ça s’est fait sans douleur (Rires).

ÇA SE PASSE COMMENT LA CRÉATION ENTRE VOUS ? VIVRE ET TRAVAILLER ENSEMBLE, PAS TROP COMPLIQUÉ ?

J : Franchement, ça va de mieux en mieux ! Au début, il y avait des petites tensions, il fallait adapter le langage. On n’avait pas du tout la même approche en plus.

B : C’est un processus très créatif et dans tout ce qui touche à la création, il y a toujours une part de fierté. Et même si on essaye de ne pas l’avoir, c’est toujours difficile d’être à 90 % dans un morceau et d’entendre, « Ah non ça c’est vraiment nul », alors que ça fait 3 jours que tu bosses dessus. Maintenant notre appart c’est une espèce de gros bordel d’instruments. En général c’est moi qui commence à composer sur l’ordi et puis Justine passe derrière quand c’est un peu plus élaboré. Avec ses petits doigts de fée, elle améliore ce que j’ai composé. Et de toute façon, on ne valide pas la chanson si un des deux n’est pas satisfait.

J : C’est le brouillon et la rédaction en gros ! (Rires).

QUELLES SONT VOS INFLUENCES MUSICALES ?

B : Moi les premiers artistes que j’ai écouté c’est Dire Straits et Shadows ! C’est un peu le début du pop rock britannique et américain. Après, j’ai très vite été bercé par Jean-Michel Jarre, beaucoup de Gainsbourg aussi et de grandes figures comme ça. C’est ce que me faisait écouter mon père. Il me disait : « Regarde ce qu’il fait mon fils, regarde ça, c’est incroyable ! ». J’ai beaucoup aimé les débuts de l’électro avec Jarre, Kraftwerk, Pierre Henry et ça me suit encore. Ce que j’écoute aujourd’hui, c’est des gars qui font de l’électro un peu à l’ancienne avec des vielles machines.

J : Toi électro, moi rock (Rires). Rock indé, soul un peu aussi. Rock du début des années 2000, les Libertines, Arctic Monkeys tout ça. Mais aussi le rock plus classique, Iggy Pop, les Velvet. La musique noire aussi j’adore.

 

 

JUSTINE, DU COUP, TU AS APPORTÉ UNE TOUCHE PLUS ROCK À NAPKEY ?

J : On a des influences différentes, donc forcément ça se ressent. Dans le dernier morceau « Tu te réveilles », y a un gros riff de guitare et ça c’est de moi ! Cette chanson est un peu ovni, elle est rock.

B : Les structures que je compose sont électro, mais c’est grâce à Justine qu’on a eu la force d’apporter des guitares, des orgues, ces instrus typiquement liées au rock. Avant, je n’osais pas vraiment ajouter des instruments organiques à mes compositions. C’est hyper épanouissant de se dire qu’on arrive à créer quelque chose qu’on aime tous les deux, alors qu’on n’a pas du tout les mêmes fondations.

 

 

BENJAMIN, TU DIS AIMER L’ÉLECTRO À L’ANCIENNE, MAIS POURTANT VOTRE UNIVERS EST TRÈS FUTURISTE ?

J : C’est rétro-futuriste ! (Rires)

B : En fait les instruments qu’on entend dans l’album qui va sortir, c’est un orgue qu’on a chiné dans une brocante qui date des années 70 et un Omnichord qui est un instrument un peu disparu et qu’on va faire ressortir de sa tombe pendant les concerts.

J : Dans toutes les chansons il y a ces deux instruments ! Ça donne une couleur particulière. Ensuite c’est mélangé à tout ce qui est fait à l’ordi.

B : Le but n’est pas de faire de l’électro des années 80. Donc on utilise des outils actuels, mais on aime les sonorités et le toucher des instruments à l’ancienne.

CERTAINS ARTICLES DISENT QUE VOUS REDÉFINISSEZ L’ÉLECTRO-POP, COMMENT ET POURQUOI SELON VOUS ?

B : Je pense qu’on a une approche naïve de l’électro qui est assez différente. Dans ce qu’on entend aujourd’hui c’est des choses qui sont, soit très engagées, soit très rythmées et qui se rapprochent du hip hop. Et nous, on propose quelque chose de très doux, très mélodieux. On a peut-être une approche de l’électro-pop qui se rapproche plus de la pop des années 70, avec de grandes envolées lyriques et une mélodie avant tout.

J : C’est peut-être plus musical que l’électro actuelle.

B : Pour moi dans la composition, la mélodie c’est vraiment le plus important. Je n’ai pas envie de dire que les paroles ça n’est pas important, surtout que nous, nous voulons faire passer un message. Mais je préfère une chanson très mélodieuse sans parole que l’inverse. Dans la musique je cherche quelque chose qui va me permettre de m’évader.

J : Après maintenant on chante sur tous les titres et moi j’adore parce que ça correspond aussi à ce que j’écoute. Une belle voix ça me fait beaucoup d’effet.

BENJAMIN TU DIS QUE VOUS SOUHAITEZ FAIRE PASSER UN MESSAGE, LEQUEL ?

B : Sur cet album-là, c’était très important en effet. On parle vraiment sur celui-là, ça reste assez abstrait, ce n’est pas non plus une comédie musicale, mais la thématique est là et on l’aborde sous différents points de vue à chaque morceau. L’histoire c’est une fiction. On a un petit robot, Sol et il se pose des questions sur l’humanité. Il apprend que les tout premiers robots on était créé par des humains et il veut les voir, comprendre d’où il vient, pourquoi ils sont si différents de lui. Nous, Napkey, on est là pour l’aider et le guider dans sa quête spatiale. Lui faire comprendre qu’il n’est pas si éloigné que ça de l’humanité.

VOUS AVEZ PEUR DU FUTUR ?

B : On n’a pas peur du tout, du tout ! Au contraire, on est assez impatients. Moi j’ai la tête à fond dans le futur, je suis un énorme fan de science-fiction, j’en lis quotidiennement.

J : Toutes les fictions qui se passent dans le futur sont apocalyptiques. Là, on essaye justement de donner une vision du futur qui peut être pacifique, intéressant.

B : Cela vient de Asimov, qui est pour moi le plus grand écrivain de science-fiction. C’est lui qui m’a le plus inspiré pour tout ce que je fais aujourd’hui et il a défini ce qu’il appelle « le syndrome de Frankenstein », qui est l’idée qu’à partir du moment où on a créé une machine, elle va forcément se retourner contre soi. À l’époque où il a écrit ça, c’était vrai pour toutes les œuvres culturelles qui parlaient du futur. On se disait : « Si on prend la place de Dieu, c’est foutu, on va se faire punir d’une manière ou d’une autre et la machine va se retourner contre l’homme ». Et lui, c’est le premier écrivain qui a dit, « Bah non, c’est un peu bas de plafond cette réflexion, on va essayer au contraire de créer des histoires qui se passe dans un monde où les hommes et les machines peuvent être en osmose. » Aujourd’hui, tous les films qui sortent montrent un futur où c’est la guerre. Alors que nous, on veut un futur utopique, pacifiste, et proposer autre chose que la dystopie qu’on nous sert continuellement.

C’EST IMPORTANT POUR VOUS DE TRANSMETTRE UN VRAI MESSAGE DANS VOS TEXTES ?

B : Oui c’est très important. On ne veut pas juste raconter les petites histoires du quotidien. On a besoin d’une vraie histoire, j’aime bien les histoires. C’est ce qui me plaît le plus dans la littérature et le cinéma. Je m’en fiche que ça soit bien écrit, tant qu’il y a une bonne histoire. Et même en musique, je trouve que c’est important qu’il y ait un récit un peu plus poussé que « Bonjour, ce matin j’ai pris une tasse de thé ».

« on veut un futur utopique, pacifiste et proposer autre chose que la dystopie qu’on nous sert continuellement. »

COMMENT VOUS VOYEZ LA SCÈNE MUSICALE ACTUELLE ?
QUELS SONT VOS COUPS DE CŒUR ?

B : Moi je suis amoureux de quelques personnes et de leurs sons. Flavien Berger, c’est quelqu’un que j’idolâtre vraiment. Ça fait plaisir et on sent qu’il se fait plaisir. J’adore le mec, j’adore ce qu’il dégage et ses chansons qui ont parfois un côté ultra naïf. Comme dans Rue de la Victoire où il dit « Le soleil dans la maison, c’est joli après la pluie ». C’est que ça, et on pourrait se dire « Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? », mais pour moi c’est une des chansons que je préfère au monde. Quand j’entends ça je le visualise. Si un jour Flavien Berger veut faire un featuring avec nous, je l’accueille à bras ouvert dans un escalier d’or.

J : Il y a aussi L’Impératrice, Agar Agar.

B : Thérapie Taxi aussi, que j’ai découvert sur « Salope« . C’était à l’encontre ce tout ce que nous on peut faire, comme on recherche le côté pacifiste et qu’eux sont plutôt dans la confrontation, mais la dichotomie entre mélodie et sens est juste sublime et parfaite. En tout cas, c’est une période hyper créatrice pour la scène française. Il y a aussi un autre phénomène surprenant à observer en ce moment, c’est que la pop n’est plus vraiment la pop, elle penche complètement vers le rap maintenant. Je trouve ça fou ! On se calque à fond sur les américains. Cela devient un peu la niche et du coup la scène vraiment pop a tendance à se réduire.

 

 

« Si un jour Flavien Berger veut faire un featuring avec nous, je l’accueille à bras ouvert dans un escalier d’or. »

QU’EST-CE QUI VOUS REND UNIQUES DANS CE MILIEU ?

B :  Un truc qui nous différencie beaucoup je pense, et ça se verra plutôt en live, c’est qu’on veut toucher absolument à tout, à tous les points de contact qu’un artiste peut avoir avec son public. On fait tout à la main nous-mêmes. On a fabriqué un instrument de musique, je ne vais pas développer ce que c’est exactement, mais ça nous a pris un an de boulot. On a fait une collection de vêtements avec notre styliste. On a développé l’ensemble des visuels de notre album avec les réalisateurs du Club Sandwich. On va avoir un hologramme sur scène et toute la programmation 3D c’est moi qui m’en charge. Tout vient de nous. On n’est pas du tout que dans la musique, on peut passer trois semaines à souder nos instruments, couper du bois, faire de la 3D. On fait aussi un jeu vidéo. Dans un groupe normal ces tâches seraient déléguées à d’autres. On a envie d’envoyer de l’information un peu partout et que notre message soit lu dans différents contextes. C’est cette densité du message, cette implication et cette volonté d’aller à 360° qui fait que nous sommes un groupe qu’il faut écouter (Rires).

D’OÙ VIENT VOTRE ENVIE D’AVOIR DES CLIPS AUSSI SOIGNÉS ?

B : Quand on a commencé à écrire les premières chansons de l’album, on voulait absolument qu’elles soient illustrées d’une manière ou d’une autre, qu’il y ait une identité visuelle qui accompagne le son. Étant un monstrueux fan de science-fiction, je voulais absolument raconter une histoire de science-fiction et j’ai toujours été bercé par des dessins-animés comme Miyazaki, Dragon Ball. On voulait donc se permettre le luxe de créer notre univers. En fait, on avait d’abord pensé à un univers avant sa réalisation. On avait imaginé le nom des planètes, des personnages, l’histoire. C’était évident qu’on n’allait pas louer une planète pour tourner avec un vaisseau (rires), donc du coup on a rencontré, par des amis d’amis, des réalisateurs pour faire de l’animation. On a fait des grands rendez-vous de brainstorming et on a élaboré l’histoire ensemble.

J : Ils sont eux aussi très exigeants et ils voulaient que tous se recoupe, que tout soit bien ficelé. Ils nous ont bien soutenus là-dessus. Parce que parfois on flanchait, on se disait « Bon tant pis le nom de cette planète c’est pas très important ».

B : Ils ont été super bons pour nous manager dans l’image.

J : Avec notre styliste aussi ! Parce que les vêtements qu’on porte sur scène, en interviews et dans le dessin animé, tout a été supervisé par notre styliste et les réalisateurs.

B : On a des tenues d’astronautes.

 

 

VOUS AVEZ D’AUTRES IDÉES EN TÊTE EN PLUS DES CLIPS, DE L’ALBUM ET DES LIVES ?

B : Oui, il y a un court-métrage qui va arriver. Le début du court-métrage a été dévoilé dans notre première chanson, « You Can Have The Light ». Ce sont les 45 secondes d’animation qui commençaient à raconter l’histoire de Sol. D’autres épisodes vont arriver et on va créer à partir de tous ces épisodes un petit court-métrage de deux minutes trente ou trois minutes qui sera mis en musique par plusieurs morceaux de l’album. Cela racontera l’histoire du côté de Sol, le robot.

 

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