Lomepal[FRA]
- Musique
Interview
Je rencontre Antoine Valentinelli alias Lomepal à la Villette. Assis avec sa bande de potes devant le Trabendo, il fait des blagues. Il peut : Antoine s’apprête à faire un concert, complet depuis plusieurs mois, tout comme sa tournée un peu partout en France. Le rappeur raconte qu’il revient tout juste d’une virée de skate avec ses potes. Une autre passion qui comble la deuxième moitié de sa vie aux côtés de la musique. Un Flip, c’est un retournement dans le langage skate, un « trick » pas facile à faire. Une façon pour Antoine de nous rappeler avec un premier album du même nom, que pour réussir à faire ce qu’on aime, il faut passer par une phase d’expérimentation. Si ça ne marche pas, on remonte sur la rampe et on réitère jusqu’à ce qu’on y arrive. Rencontre avec celui qui est devenu Lomepal.
Une enfance sur planche
Imprégné de la culture skate, Antoine commence à s’intéresser au rap dès 18 ans, inspiré par un pote ‘freestyleur’ dans leur quartier d’enfance du 13ème arrondissement à Paris. Quelques années plus tard, Lomepal dessine les contours d’une carrière prometteuse avec un premier album Flip sorti l’été dernier. Coincé quelque part entre le rap et la chanson il est difficile de rentrer le jeune skateur dans une seule et même case. Mêlant poésie et mélancolie, Lomepal montre une autre facette du rap, un peu plus douce mais qui résonne allègrement. Que ce soit dans ses chansons ou dans la vraie vie, la banalité criante de ces paroles nous donne l’impression de connaître déjà le personnage.
Comment t’es-tu retrouvé à faire du rap?
Ça a commencé avec un de mes potes qui chantait des textes en soirée J’ai eu envie de faire pareil. C’est comme dans toutes les passions : tu vois quelqu’un faire quelque chose et tout d’un coup, t’as envie de faire ça aussi. Le rap, ça a été assez évident pour moi. Un jour je me suis mis à écrire dans ma chambre. J’étais très nul au début ; je ne montrais mes écrits à personne même si j’écrivais tous les jours. Je m’entraînais puis je recommençais.
À ce stade tu voulais déjà être musicien?
Pas du tout ! Au début je pensais que c’était un passe-temps qui allait vite s’arrêter. Je ne me suis jamais dit que ça pouvait devenir de la musique. C’est seulement petit à petit, au bout de deux ans que j’ai pris confiance en moi et que les opportunités se sont présentées. D’abord pour faire un morceau, ensuite un clip… Le processus a été très lent.
À quel moment as-tu posé ton premier couplet de rap ?
Je faisais de la vidéo et j’ai voulu faire un clip avec Nekfeu en le filmant avec Areno Jazz sur un toit que j’avais repéré. Finalement Areno Jazz n’est pas venu et du coup, j’ai chanté un de mes couplets. Aujourd’hui je déteste ce morceau (« À la trappe« , prod. Dj Lo’ et 1995, ndlr) même si à l’époque c’était tout nouveau pour moi !
Quel message veux-tu faire passer avec ton premier album « Flip » ? Il marque une vraie rupture par rapport à tes EP précédents.
Complètement ! J’ai mis deux ans à faire cet album et je me suis vraiment segmenté pour partir dans un nouvel univers. Il y a d’abord un message avec le skate bien sûr qui fait partie de ma personne, de ce que je suis avant tout. Le reste c’est de l’émotion pure. J’avais envie de faire un album « vrai » et me lâcher complètement. Je voulais faire quelque chose de nouveau juste avec mon instinct et pendant deux ans je suis passé par toute une phase expérimentale de ma musique. Plein de fois ça a raté et petit à petit, je suis arrivé à quelque chose qui m’a plu.
Aussi mon combat c’est de faire vivre mon album différemment de ce qu’on attend de la consommation. J’avais envie de faire un album qui puisse être réécouté longtemps, pas un album que tu ponces un coup puis c’est terminé. D’ailleurs, j’ai l’impression que c’est en train de marcher petit à petit. Je commence à avoir des échos de gens qui me disent que ça fait 3 mois qu’ils l’écoutent et qu’ils ne s’en lassent pas. Ça me rend trop heureux d’entendre ça. Et je suis aussi très content d’avoir fait cette tournée de skate et visité en amont les autres villes dans lesquelles j’allais jouer. Ça m’a permis de montrer qui je suis vraiment et de mettre aussi mes potes sous les projecteurs. Bien qu’ils soient tous fous !
C’est vraiment toi dans les histoires que tu racontes ou il y a une grande part de mise en spectacle?
Non c’est vraiment moi. Ce que je trouve intéressant c’est justement d’être soi-même le plus possible. C’était le pari pour cet album. J’essaie de vivre beaucoup pour avoir de l’inspiration. Cette tournée de skate qu’on a fait m’en a donné beaucoup. J’ai des amis qui m’ont déjà parlé de cette souffrance de travailler trop dur et finalement de manquer des petites choses du quotidien à raconter. C’est important d’avoir des moments à soi afin de puiser dans ce qu’on a vécu pour alimenter son imaginaire.
Roméo Elvis et Caballero sont en featuring sur l’album et on t’assimile souvent à cette nouvelle vague du rap belge. Comment définirais-tu ton propre univers ?
J’essaie au contraire de sortir de cette assimilation ! Je ne suis ni dans le rap français, ni dans le rap belge ; j’essaie de me construire mon propre univers. Bien sûr ce sont tous de très bons potes, on a l’habitude de travailler ensemble, on se connaît par cœur. Ils m’ont d’ailleurs vu lutter sur cette progression dans mon nouvel album. Ils m’ont vu dans cette phase de recherche et de doute pendant laquelle j’avais envie de faire plus que ce que je savais déjà faire. C’était assez risqué mais une fois l’album fini, j’ai obtenu la reconnaissance de ces gens pour lesquels j’ai beaucoup d’estime même si je ne me sens pas proche d’eux musicalement.
Ça se ressent aussi dans tes clips. Le clip de « Palpal » est juste hallucinant.
Oui, je suis aussi beaucoup impliqué dans le tournage de mes clips. Mes potes rappeurs font le choix de moins se prendre la tête et faire des clips de manière efficace ce qui est respectable. Ils me charrient et ils ont raison car je fais des mises en scène trop ambitieuses qui me font perdre beaucoup d’argent. Je suis un très mauvais businessman, j’ai envie de faire des clips fous et ça m’angoisse d’en sortir un mauvais !
Pourquoi Lomepal?
Plus le temps passe, plus j’aimerais m’appeler Antoine Valentinelli et peut être que je changerai plus tard. Au début on m’appelait aussi Jo Pump et puis c’est devenu Lomepal comme pour visage pâle. C’était un peu en représentation du fait d’être blanc comme la revendication des rappeurs noirs, je trouvais ça cool et marrant. J’assume à fond d’être un petit blanc, je ne vais pas me faire pousser pour un rappeur noir (rires). Aujourd’hui tout le monde peut faire du rap et avoir la place à la parole peu importe nos origines !
Tu vas rester dans l’univers du rap?
Pas sûr. Je pense que petit à petit je vais m’en éloigner même si c’est un outil qui me restera toujours. Il n’y aura jamais zéro pourcent de rap dans ma musique de toute façon !