Flavien Berger

  • Musique

Interview

Le 09.06.2016 par

On pénètre dans le village de Lourmarin, au cœur du Luberon, avec l’excitation des premiers jours de l’été. Un brin d’aventure dans le cœur, on découvre la douceur du festival Yeah, à l’esprit familial, protégé de la foule. Loin de la sur-agitation parisienne, les pierres lourdes du château lui confère un caractère presque privilégié.

tafmag yeah festival emmanuelle oddo

 Bleu Lourmarin

Là bas, on arpente les ruelles du village à la programmation variée. À chaque coin de rue, des concerts gratuits (Moustic, Laurent Garnier), expo photos, tournois de pétanques. On chine des vinyles aux gars de L’Agence Tous Disques dans l’après-midi ou le soir entre deux concerts, puis on ferme les yeux un moment dans les champs d’olivier, histoire de calmer ce mal de tête qui grimpe aussi vite que les Celsius…

C’est que la programmation est chargée et qu’il ne faut pas en rater une miette : on enchaîne Chassol, Suuns, Mansfield.TYA, Deux Boules Vanille, Gilles Peterson ou Laurent Garnier avec la même ferveur, le même plaisir de transpirer enfin cette liqueur d’été.

Dimanche soir 21h30, c’est au tour de Flavien Berger de mouvoir nos corps. Un concert qui s’ouvre, juste après le coucher du soleil, sur des abysses psychotropes. Ses comptines musicales et quasi visuelle s’infusent en nous, ressuscitant une part d’adolescence innocente, avide d’exploration, de romantisme et d’onirisme.

 

L’interview

On vous a rapporté de ce voyage sonore et physique quelques mots de Flavien. Il nous parle de rencontres, de zones à explorer, de ses potes et de sa fierté d’être ici, au Yeah.

 Quand es-tu arrivé au festival ?

Hier [samedi 4 juin], pour voir mes copains de Mansfield.TYA et Gaspard Claus qui jouait avec Stranded Horse et le trio Vacarme. L’année dernière quand je faisais mes premiers concerts en festival, je voyais la prog’ du Yeah et je trouvais que c’était vraiment la meilleure. Du coup cette année je suis hyper fier d’être là.

Je me fais même halluciner de jouer ici, à l’heure à laquelle je joue, parmi les gens qui jouent [Deux Boules Vanille, Gilles Peterson, Laurent Garnier…]. J’ai un peu l’impression d’être le cousin gogol qu’on invite pour faire marrer la galerie.

 Qu’as-tu fait aujourd’hui ? 

Je suis allé voir Jim Yamouridis dans le temple ; trop beau. Après il y avait la créa avec le trio Vacarme, magnifique. Et puis sinon je me suis baladé avec Amaury Cornut qui a fait la conférence sur Moondog hier, aux Caves du Château, qui est un pote que j’ai connu à Nantes et avec qui j’aime discuter. On a des projets ensemble. Voilà, bête de journée, il a fait trop beau, c’est de la balle quoi !

 On a fait la connaissance ici de Cosme Castro et Jeanne Frenkel, qui sont à l’origine du projet « Métacinéma » et qui ont tourné ton clip Bleu sous-marin. Vous vous êtes rencontrés comment ?

Il y a trois ans, j’ai rencontré un mec qui s’appelle Joris qui m’a fait rencontrer Cosme et puis Cosme m’a demandé de faire la musique de ses films, avec un autre artiste qui s’appelle Lou Rotzinger. On a donc commencé à travailler là dessus, vraiment par partage créatif.

Et puis un jour, dans la liste des morceaux que je voulais cliper il y avait Bleu sous-marin et dans la liste des gens que je voulais pour cliper le morceau il y avait Cosme.

  Qui a donné l’impulsion de ce projet de clip en direct ?

À ce moment-là, Cosme s’est allié avec Jeanne, puis ils ont proposé le clip de Bleu sous-marin qui est une tuerie. Moi j’étais loin de la prépa donc je suis arrivé le jour du tournage, le jour du streaming du Métacinéma et là, j’ai complètement halluciné.

Ça recoupe tout ce que j’aime dans le clip, en particulier Gondry. Je trouve que le projet du direct se tient trop bien, ça donne un sens au clip qui parfois n’en a pas. Souvent on en fait sans savoir pourquoi, juste parce qu’il le faut. La perte de sens est quelque chose qui me fait peur mais là, tout se tient.


 Tu as fait une collab avec A.P.C., un clip d’animation avec Céline Devaux, ce projet avec La Comète Films… Dans quelle mesure est-il essentiel d’intégrer la musique dans un univers artistique plus large, plus global ?

C’est la collaboration avec des gens qui est intéressante. Rencontrer, échanger, se surprendre, ouvrir de nouveaux territoires. Là, ce que je vis avec la musique c’est comme une aventure, au sens jeu vidéo du terme : il y a des zones à explorer, des gens à rencontrer et des projets à faire ensemble.

Pour A.P.C. j’ai travaillé avec Juliette Gelli, qui fait aussi mes pochettes de disque et qui a réalisé avec Raphaël Pluvinage le site de contrebande.pizza, qui est le site de mon disque gratuit de Noël.

Voilà, c’est s’entourer de gens. Si la musique peut être l’instigateur de ça c’est cool, mais le but reste de faire un projet créatif dans lequel tout le monde se retrouve et est épanoui. Ce que je cherche, c’est à être heureux en travaillant, parce que je crois au travail.

 Et ton concert gratuit Place de la République à Paris, avec Salut C’est Cool, Jacques, l’équipe du Wonder, ça représentait quoi pour toi ? C’est ta team ?

Déjà Jacques, Salut c’est Cool, c’est complètement ma team. C’est pour ça que je jouais. Je suis assez apolitisé, je fais vraiment partie de la génération qui se sent déconcernée, malheureusement… Donc je ne jouais pas pour La Nuit Débout même si c’était quand même un soutien de près ou de loin à l’opposition à la Loi Travail, ça c’est sûr. C’était pour se la kiffer : quand même, jouer Place de la Répu, en concert sauvage… Je pense que refuser aurait été une belle connerie parce que c’était quand même un putain de bon moment.

Flavien Berger & Jacques au 46 mars © Julie Oona

Flavien Berger & Jacques au 46 mars © Julie Oona

En plus, ils m’ont fait jouer au coucher de soleil et pour moi ce moment signifie énormément de choses. Je suis très attaché aux phénomènes physiques et à la solarité. Ce moment où le soleil se couche, ça signifie l’arrivée de la nuit et d’un nouveau jour le lendemain. C’était important pour moi, ça a été super beau et j’étais trop content.

 Comment tu définirais ta musique ?

Je dirais que c’est de la musique répétitive de danse météorologique. À tendance sentimentale.

 Donc ce sont les phénomènes météorologiques qui t’inspirent ?

Ce qui m’inspire, c’est tout ce q
ue je vis dans le présent, ce que je rencontre. Aussi bien les rapports entre les humains, ce que l’on fait pour donner du sens à notre existence mais aussi notre rapport à la nature et au physique. Tout ça un petit peu mélangé dans des histoires.

Dans les artistes de ta génération, lesquels te font vraiment vibrer ?

Y’en a plein de géniaux. Par exemple, Jacques, OK Lou, Salut C’est Cool.

Donc là, cet été, tu as beaucoup de concerts de prévu, de festivals aussi. Comment tu appréhendes toutes ces dates ?

Ça va être un gros été avec une douzaine de dates de prévues. Je vais passer par là où un mec qui commence doit passer. C’est des gros festivals, des plus petits, c’est des usines, des trucs familiaux, c’est des Yeah, des Vieilles Charrues. Voilà. Et j’appréhende ça comme une aventure : avec des étapes, des portails, avec des zones de sauvegarde, avec une jauge de vie.

 C’est quoi la moyenne d’âge des filles qui te sautent dessus après le concert ?

Elles ne me sautent pas dessus. Il y a un rapport hyper sain qui s’est établi entre les spectateurs et moi. C’est très chaste, très classe. De toute façon un concert sur deux je parle de ma copine donc au moins c’est plié.

♦ Un projet sur lequel tu travailles et qui compte en ce moment ?

Je fais plein de remix. Là j’en ai fait un de Gaspard Claus et Casper Clausen, pour un disque qui va sortir sur un label qu’on a monté avec Gaspard, Les Disques du Festival Permanent.

 

Propos recueillis par Emmanuelle Oddo et Nicolas Veidig Favarel à Lourmarin, le 5 juin 2016.
Flavien Berger sur FacebookSoundcloud.
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