Mira Lou[DEU]
- Illustration
Chronique
Mira Lou est une jeune illustratrice allemande, installée à Berlin où elle est née. Elle maîtrise à merveille l’art des formes et du tracé et imagine des personnages uniquement composés d’un contour noir, presque comme le fil de fer d’une sculpture de Calder. Son travail nous a séduit par sa finesse et sa poésie. Mira illustre l’essence même du minimalisme et cherche à ne représenter que l’essentiel. La forme avant le fond et les émotions.
SUR LE FIL
L’originalité du travail de Mira repose dans son absence de couleur, rare et étonnant, dans l’illustration aujourd’hui. En effet, les artistes actuels ont plutôt tendance à exagérer les couleurs, et à baser leur travail entièrement sur les teintes choisies et les émotions qu’elles suscitent, comme chez Xaviera Altena par exemple, ou Léa Taillefert. Ou encore chez des photographes comme David Behar ou Mischelle Moy. Ils proposent un monde plus joyeux et explosif par le choix de tons éclatants. Ces artistes ont tendance à gommer les contours et à refuser strictement l’usage du noir, trop plombant.
Pourtant, Mira a fait du noir sa marque de fabrique. Elle dessine ses scènes et ses personnages uniquement à l’aide d’un contour noir, rajoutant très rarement une petite touche de couleurs. Ce contour vient dessiner la forme, sans s’attarder sur des détails plus subjectifs. La jeune artiste poursuit une réflexion intéressante sur les couleurs et sur leur rôle. Elle aime les laisser totalement en dehors éviter d’encombrer son travail d’un trop plein d’émotions. Elle souhaite se concentrer sur la scène, sans définir une atmosphère précise. « Comme les couleurs sont souvent très chargées en émotions, je pense qu’une simple illustration en noir et blanc peut parler à plus de personnes. Tout le monde a des couleurs préférées, donc en les laissant de côté, je pense que je laisse mes illustrations plus ouvertes à une interprétation individuelle », affirme la jeune femme.
Les lignes sont fondamentales dans ses illustrations. On a l’impression que Mira trace ses scènes d’un seul et même trait continu avec son stylet numérique. Elle recherche cette sensation en connectant chaque trait entre eux, quitte à s’y reprendre plusieurs fois, et en rajoutant une boucle à la fin. Elle parle elle-même de style « oneline » pour qualifier son œuvre. Il remonte à un exercice proposé par un de ses professeurs à l’Université. Elle et ses camarades devaient dessiner des portraits, mais sans regarder leur page, en se focalisant uniquement sur la personne à dessiner et en suivant ainsi une ligne continue. Petit à petit, elle s’est mis à aimer la fluidité d’un tel style, ses petites imperfections. Il colle en plus particulièrement bien à son sujet. Mira dessine l’amour et les couples et, grâce à cette « oneline », représente avec justesse et douceur la fusion amoureuse. L’homme et la femme sont esquissés d’un même trait de crayon, dans une proximité touchante. Leurs corps ne font qu’un, leurs cheveux se mêlent, indissociables. En se basant sur ce contour noir minimal, Mira peut créer des lignes de connexions partout, entre chaque élément. Ses traits sont fluides, coulants, gracieux, idéals pour symboliser les liens entre les êtres avec subtilité. Pour Mira, ce style lui permet dans ses dessins de couple de représenter « bien plus que deux personnes ». Ne dit-on pas d’ailleurs qu’un couple équilibré pourrait se résumer à cette formule mathématique : 1 + 1 = 3 ? Les deux amoureux créant véritablement quelque chose ensemble. Mira parvient donc avec poésie à exprimer l’intime sans aucune couleur.