Marietta Varga[HUN]
- Photographie & Cinéma
Chronique
Des barres d’immeubles prises en plan serré, des compositions ultra millimétrées, des couleurs pastel, une grande douceur, peu d’humains… Le travail de Marietta Varga, jeune photographe hongroise, a décidément beaucoup de points communs avec celui de notre coup de cœur Singapourien, Nguan. On jurerait que ce cliché de Marietta immortalisant des jeux pour enfants sur fond d’immeuble rose pastel est un clin d’œil à ce dernier. Loin des couleurs de Singapour, la Hongrie, entre Budapest et Siófok, ville natale de Marietta, prend un autre visage, plus irréel et poétique sous son objectif, loin des a priori.
LES CITéS RADIEUSES
Ce n’est pas un fil rouge qui parcourt les images de Marietta, mais bien un fil rose, rose pastel, rose Tafmag. Une couleur que la photographe utilise depuis longtemps et qui traverse tout son univers, lui donnant une unité absolue. Ce qui fait la différence chez Marietta, c’est aussi sa sélection rigoureuse des sujets. Comme elle le dit si bien elle-même : « Je ne prends pas tout en photo. Je ne laisse pas entrer grand-chose dans mon monde ». Marietta est donc pointilleuse, elle a ses sujets de prédilection et ne cherche pas à photographier à tout prix. Elle a fait de l’architecture, sa deuxième passion, sa marque de fabrique et en refusant de s’éparpiller, se distingue.
Marietta est la photographe par excellence du minimalisme. Peu d’éléments, quelques fenêtres d’immeubles, une structure architecturale originale, mais un cadrage pointu qui transcende l’image. Le minimalisme c’est aussi l’harmonie et Marietta, plus que quiconque, offre aux regards un espace propre où l’on se sent à l’aise et où l’on obtient la même satisfaction que devant une pile de linges fraîchement pliés. Cette propreté et cette harmonie résident dans le choix des couleurs pastel, lisses et douces, dans la volonté de ne presque pas photographier les humains, et surtout dans cette impression que tout est à sa place. Ses images sont une véritable célébration de la symétrie et de l’équilibre. Tout s’emboite et s’imbrique idéalement comme un puzzle, dans le format carré choisi par l’artiste. Les architectures immortalisées viennent emplir tout le cadre de la photographie. La lumière tombe de manière équitable. Peu d’ombres, pas de contraste. Les fenêtres s’empilent, les couleurs se répondent, les formes dialoguent, cela en est presque magique. Comme cet immeuble qu’elle photographie où chaque teinte pastel est répétée trois fois symétriquement, et où les fenêtres s’alignent sans aucune interruption. L’humain fait bien les choses. Marietta sait gérer l’espace comme personne, choisir le bon angle et extraire la beauté de l’ordinaire. Et c’est tout le talent du photographe, savoir lever les yeux, se positionner. On imagine la jeune femme se balader dans ces cités hongroises, remarquer une couleur, une fenêtre puis se baisser, se rapprocher pour que l’élément notable repéré emplisse tout l’espace de sa caméra. Matisse disait : « Il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir » … Qui aurait cru que tant de beautés, de teintes, d’harmonies pouvaient se cacher dans une banale cité ? Tout est décidément une question de regards. Marietta, fan de Lucien Hervé, photographe attitré de Le Corbusier, réussit le miracle de faire rêver à partir de simples barres d’immeubles.