Marie de Villepin[FRA]

  • Art & Peinture

Interview

Le 15.03.2023 par Julie Le Minor

Dans l’atelier de Marie de Villepin

De sa jeunesse parisienne à ses « années américaines », de la fureur de vivre new yorkaise aux errances de la cité des Anges, Marie de Villepin nous convie dans son studio à Poush Manifesto où elle nous parle influence, création, musique et peinture bien-sûr.
Photo de l'interieur de l'atelier de Marie de VIllepin à Poush Manifesto avec une grande toile bleu sur le mur blancC’est par une matinée parisienne froide et blanche que nous retrouvons Marie de Villepin dans son atelier à Poush Manifesto, le nouveau vivier d’artistes de la capitale situé à l’orée d’Aubervilliers. Dans ce dédale industriel qui abrite pas moins de 200 heureux élus, c’est dans un white cube aussi lumineux que spacieux que l’artiste a pris ses quartiers. Marie nous acceuille en total look noir assorti d’un bleu de travail et nous confie être un peu jet-lag. Elle arrive fraichement de Los Angeles, pourtant rien ne laisse transparaître la fatigue sur son visage diaphane qu’un sourire irradie. Marie a l’aura de ces muses éternelles, mais sa voie rêvée se situe de l’autre côté de la caméra, de l’objectif ou de la toile. Pour elle, ce sera les pinceaux, les tableaux, la peinture. Dans cet espace épuré aux allures de loft new yorkais, ses toiles bigarrées captent immédiatement le regard et s’imposent de toutes leurs hauteurs, magistrales.

« C’est important aussi de croiser les regards »

C’est dans cette ancienne usine de parfumerie réhabilitée en pépinière créative que Marie peint depuis quelques mois. « Je me sens très privilégiée d’être ici. Poush est un concept comme nul part ailleurs. J’y passe énormément de temps, le plus possible en fait, surtout en ce moment où je prépare deux expositions. Ici, on assiste vraiment à l’émergence d’une nouvelle scène artistique parisienne. Des affinités se créent, une vraie solidarité aussi et une inspiration mutuelle ». Au milieu de cette joyeuse bohème, Marie oscille entre la solitude inhérente à la vie d’artiste et la convivialité qui émane de chaque atelier. « C’est important aussi de croiser les regards. Cette toile par exemple, était à l’origine un fond pour créer l’un de mes tableaux et un ami, qui a son atelier à côté, m’a conseillé d’en faire une œuvre à part entière. Je n’y aurais jamais pensé sans lui ».

Tubes de peintures rangés dans un meuble en bois dans l'atelier de Marie de Villepin à Poush Manifesto

Pour comprendre l’univers polyphonique de Marie, il faut revenir un peu en arrière. 2019. Los Angeles. Après une jeunesse parisienne où la jeune femme se sent étriquée, contrainte de suivre une voie conventionnelle qu’elle ne désire pas au fond d’elle, Marie profite d’une opportunité professionnelle dans la mode pour s’envoler loin, vers la Grosse Pomme. La fureur créative de New York l’attire et berce son imaginaire. L’école de New York des années 50 et ses frontières poreuses entre musique, avant-garde et art contemporain, la vague surréaliste d’après-guerre puis les frondeuses sixties et seventies, celles de Warhol, Patti Smith ou du groupe Television de Tom Verlaine et Richard Hell. Entre les grattes-ciels, Marie se crée en tant qu’artiste. Mais ce n’est pas la peinture qui l’attire à l’origine, mais bien la musique. Deux pratiques aujourd’hui inextricablement liées dans son œuvre.

« Ma pratique picturale commence par la musique »

« La musique est centrale dans mon processus créatif. J’ai eu 3 groupes dans lesquels j’étais à la fois auteure, chanteuse et interprète. Parallèlement, je passais mon temps à dessiner et peindre dans de grands carnets. Je dois en avoir 40 environ ». Lorsqu’elle nous les présente, c’est une véritable symphonie de couleurs, de croquis et de formes qui s’ouvre à nous. Chaque page est une œuvre à part entière : des fragments de vie, des pigments d’émotions, des traits de folie. Comme des souvenirs posés sur une page blanche. Oscillant entre figuration et abstraction, Marie envisage la toile comme une partition de musique où chaque note serait une couleur, comme si ses traits de pinceau suivaient une mélodie intérieure. « Il y a tellement de figures tutélaires dans la peinture que c’est difficile d’être original. Je crois très fort aux croisements, aux correspondances. Ma pratique picturale commence par la musique ».

Carnet à dessin ouvert sur une page dessinée dans les tons roses

Depuis très jeune, Marie s’éveille à l’art et la culture sous toutes ses formes, grâce à sa mère, sculptrice et son père, collectionneur. De l’Inde, où elle est née, à Los Angeles, où elle s’inspire et s’égare, la jeune femme se nourrit de ses rencontres et s’enrichit d’un patchwork d’influences qui font sa singularité. Ses « tâches intelligentes », comme elle aime les nommer, qui ornent ses toiles, sont comme une symbiose d’éléments, de souvenirs et de ressentis qui l’interpellent et la subjuguent. De New York, elle retient l’énergie vitale de la ville et ses rencontres avec des photographes visionnaires pour lesquels elle pose – Mario Testino, Gilles Bensimon, Patrick Demarchelier – mais aussi des réalisateurs, à l’instar de Michael Mann. Comme la mode, le cinéma constitue un autre chapitre de son histoire. De La Bûche, dans laquelle elle joue à l’âge de douze ans, au Yves Saint Laurent de Jalil Lespert, dans lequel elle incarne Betty Catroux, la jeune femme s’essaye à la lumière du septième art, toujours par instinct, par chance aussi. Mais inéluctablement, elle revient toujours à ses deux passions, la musique et la peinture.

une partition unique

De John Lennon, dont les errances dans la cité des Anges lui inspire l’exposition « The Lost Week-end », à son admiration pour Captain Beefheart, à qui Zappa doit ses influences, si ce n’est plus, en passant par les pionnières de l’abstraction longtemps mises au ban des livres d’histoire, Marie dévoile une palette d’influences riche et éclectique. Au gré de notre discussion, il émane d’elle une certaine dualité et un mystère qui créent une partition unique et on se dit avec amusement qu’il n’y rien d’étonnant à ce qu’elle ait longtemps été l’égérie du parfum « Anges et Démons » de Givenchy. Aujourd’hui, la peintre prépare l’exposition « Premiers Feux » qui se déroulera à Paris à la Galerie Charraudeau du 23 mars au 6 mai, aux côtés d’autres artistes de Poush. Puis départ pour la Chine, où elle présente pour la première fois l’exposition « Behind the sun » à partir d’avril prochain au TAM Museum de Pékin. Comme elle l’annonce dans un sourire, cette exposition est la combinaison de tout ce qu’elle a créé jusqu’à présent, avec toujours cette promesse de continuité qui lui est chère.

Portrait de l'artiste Marie de Villepin assise au sol avec 2 de ses toiles dans les tons bleus et oranges Photo de l'intérieur de l'atelier de Marie de Villepin à Poush Manifesto composé de tables en tréteaux et un escabeau Table de l'atelier de Marie de Villepin à Poush Manifesto sur laquelle sont posés des pinceaux, de la peinture, des fleurs séchées, des bols Toile multicolore de Marie de Villepin accrochée au mur de son atelier de Poush Manifesto Portrait de Marie de Villepin assise sur une tabouret devant l'une de ses toiles dans les mauves accrochés au mur de son atelier

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