Céline Devaux[FRA]
Depuis qu’il a raflé le prix spécial du jury et celui du meilleur film d’animation francophone au Festival International du Court Métrage de Clermont-Ferrand, "Le Repas dominical" accumule les récompenses, comme le César du meilleur court métrage d’animation. Et c’est tant mieux, puisque le film de Céline Devaux a été notre méga coup de cœur lors de notre passage en terre auvergnate.
Interview
On a passé un coup de fil à la réalisatrice pour qu’elle nous en dise un peu plus, avant que vous ne découvriez ce fantastique court métrage, visionnable jusqu’au 21 mai 2016, 23h59.
Grandir n’est pas une mince affaire
Et personne n’échappe à la règle. En 2013, Céline Devaux a 26 ans. Une période étrange où elle prend subitement conscience qu’elle devient adulte. Une claque pour la jeune femme. « Quand on est enfant, on passe tout notre temps avec notre famille alors qu’à l’âge adulte, ce temps correspond à des moments ponctuels. On a alors un devoir de représentation. On doit dire ce qu’on fait, se défendre, s’affirmer ».
S’affirmer face à sa famille, c’est justement ce que doit faire Jean, le narrateur du film d’animation, lors du sacro-saint repas dominical. Pas facile entre une mère nostalgique de sa jeunesse, un père ayant un certain penchant pour l’alcool et deux tantes vieilles filles. D’autant plus que Jean a une sacrée gueule de bois. Et qu’il est homosexuel.
Entre deux tranches de gigot, chacun y va de sa petite question ou de son conseil avisé. « La famille s’infiltre partout, on ne peut pas y échapper », analyse Céline Devaux. Dans son court métrage d’animation, elle explore la violence des liens familiaux. Et le résultat est terriblement juste. « En grandissant, on peut être en désaccord ave sa famille, voire la mépriser. Mais on est obligé de continuer à l’aimer. C’est un amour très beau en fin de compte. »
La complexité des relations entre individus se traduit par des dessins surréalistes en noir et blanc qui se déploient et filent sur l’écran. Des dessins qui ne sont pas de simples illustrations mais agissent comme un sous-texte. Pour la réalisatrice, l’animation est un médium roi. « On peut tout faire en dessin alors autant ne pas se calquer sur le réel. Ce qui m’intéresse, c’est que l’image soit décollée du propos. »
Des collaborations enrichissantes
« Mon film aborde des sujets graves, alors il fallait que ça soit drôle pour que ça passe ». Et on rit dans Le Repas dominical, surtout grâce à la voix-off totalement barrée, interprétée par le talentueux Vincent Macaigne. Sa voix rauque monte et descend comme sur des montagnes russes, crie murmure, se dédouble… Une collaboration qui a dépassé les espérances de Céline Devaux. « Il a apporté encore plus de folie au texte. Grâce à lui, j’ai compris qu’un acteur ne se contentait pas de lire mais qu’il devait interpréter. »
Pour la musique, Céline Devaux a fait appel à Flavien Berger, un ami de longue date avec qui elle a l’habitude de travailler. « Je discute avec lui sans le guider et c’est hallucinant comme le résultat colle parfaitement à ce que je veux. » La réalisatrice considère en effet l’animation comme un art complet ; elle ne voulait pas d’une musique décorative. « Je voulais que la musique soit omniprésente sans qu’on la remarque. » Ce qui donne un côté parfois oppressant, comme le sont les remarques de la famille de Jean.
Un échange de bons procédés avec Flavien puisque c’est Céline qui réalisé son clip Gravité.
La réalisatrice a également fait un gros travail de mixage avec Lionel Guenoun. « Moi qui pensait que ce n’était pas le plus important, j’ai découvert à quel point on pouvait être créatif. » Au cours de la réalisation de son film, elle affirme avoir découvert « trop de trucs ». À 29 ans, c’est quand même le pied.
Allez, le voici. Bon visionnage !
Photographie © Laetitia Striffling