JUSTE SHANI[FRA]
- Musique
Interview
Dans le studio de Juste Shani
Direction Saint Ouen où l’on a rencontré la jeune artiste et rappeuse de 29 ans Juste Shani dont vous n’avez certainement pas fini d’entendre parler.
-2 degrés. C’est par une matinée brumeuse et glaciale de janvier que nous rencontrons Juste Shani dans son studio de Main d’Oeuvres à Saint Ouen, un lieu hors norme dédié à la création et à l’expérimentation sous toutes ses formes. À 29 ans, cette jeune passionnée de musique, de littérature et de football a déjà plusieurs années de carrière derrière elle mais 2023 constitue un véritable point de bascule. Depuis un mois, Juste Shani a quitté son poste de directrice acquisition dans une entreprise pour se lancer à fond dans sa carrière artistique. Après des années de travail, d’entraînements, de freestyles et d’open-mic, la jeune femme est déterminée à se faire une place dans le cercle très fermé du rap français.
une vraie ambassadrice du hip-hop
Quand elle nous raconte son parcours, Juste Shani évoque tout de suite la dualité qui la caractérise. Évoluant dans un milieu traditionnel et suivant un parcours académique classique, dès le collège, cette première de classe propose déjà des battles de hip-hop dans la cour de récré. « J’étais la seule à écouter du rap, à porter une chaîne autour du cou et des baggys dans un lycée privée catholique », se remémore-t-elle en riant. « Déjà à cette époque, j’étais une vraie ambassadrice du hip-hop ». Biberonnée aux sons de Ciara, Missy Elliott, Beyoncé, cette nouvelle génération de super woman qui rhabille les mecs et révolutionne le genre outre-Atlantique, Juste Shani se découvre une véritable passion pour cette culture artistique née au début des années 70 à New York qui a depuis conquis la planète. « J’ai écrit mes premiers textes en anglais, des chansons de R&B, puis j’ai découvert le rap, cet art qui m’a pris aux tripes ».
De Kery James à Youssoupha, d’Orelsan à Nekfeu, sans oublier La Sexion d’Assaut, Juste Shani s’inspire de ces plumes vibrantes, parfois acides, souvent engagées. Comme Martin Eden, le héros du roman éponyme de Jack London qu’elle cite durant l’interview, Juste Shani découvre sa vocation, entre exaltation, expérimentation, et parfois quelques désillusions, mais toujours avec cette même ferveur qui l’anime depuis ses plus jeunes années. Sérieuse, elle souhaite poursuivre ses études, mais au fond d’elle, Juste Shani sait qu’elle ne suivra pas une voie si conventionnelle. Chant, foot, danse, dessin, elle s’essaye à plusieurs disciplines et réalise même une année sabbatique pour vivre de ses passions. Mais seul le rap lui procure cette connexion avec le public. C’est le déclic, en 2018, elle sort son premier single Sélection féminine à l’occasion de la Coupe du monde puis s’impose avec Dimelo comme l’une des nouvelles rappeuses émergentes.
la vie d’Hannah Montana
Consciencieuse et douée d’un véritable sens des affaires, pendant trois ans, Juste Shani mène la vie d’Hannah Montana. « J’avais une double vie, la journée, un taff comme les autres, et le soir, je chantais dans ma chambre ou je me produisais lors de freestyle ou d’open mic. Parfois je recevais même des journalistes à la pause déj ! ». Elle sait que le milieu peut s’avérer impitoyable. Les places sont chères. « C’est aussi plus compliqué de se faire une place dans le milieu quand on est une femme », confie-t-elle. « On est toujours en minorité. Historiquement, le rap est un genre musical plutôt masculin et le public n’est pas toujours prêt à accepter une femme qui rappe. J’en ai fait l’expérience, sur les réseaux sociaux notamment. C’est une question de culture et d’habitude, mais cela évolue avec le temps ». En 2021, Juste Shani fait la première partie du concert d’IAM sur la scène de l’Olympia. Groupe culte, scène mythique. Cette rencontre reste gravée dans sa mémoire et continue de lui ouvrir des portes. « Niveau confiance, ça booste à fond », confie-t-elle en souriant. « Le jour J, ils sont venus me voir dans ma loge et me dire qu’ils avaient kiffé mes sons. J’étais choquée, je n’arrivais pas à y croire ».
Pour se faire une place dans le milieu, Juste Shani ne laisse pourtant rien au hasard. Au fil des ans, la jeune femme a acquis une solide connaissance du business, une étape indispensable selon elle pour réussir dans la durée. « Aujourd’hui, les maisons de disque ont tellement d’artistes que, bien souvent, tu dois aussi apprendre à gérer ta communication et ton image. Il faut savoir sortir du lot. Même si tu as un label ou un agent, tu es obligé d’être ton propre producteur ». Après quelques mésaventures avec des labels concernant la propriété intellectuelle notamment, Juste Shani confie : « Je suis limite contente que cela me soit arrivée si tôt car je ne referais pas les mêmes erreurs. Il faut vraiment avoir une vision à 360°. Il faut aussi accepter de se prendre des claques, les refus et échecs font partie du métier ».
Écrire, expérimenter, sortir.
Si Juste Shani admet encore chercher une stratégie pour Tik Tok, son Instagram est bien rôdé. « L’identité et la direction artistique sont de vrais chantiers lorsque l’on est artiste. Même si tu sais qui tu es et ce que tu veux incarner, il faut réussir à renvoyer l’image que tu souhaites au public ». Vaste sujet. Aujourd’hui, l’artiste est prête à se lancer à 100% dans sa carrière de rappeuse. « J’ai quelques années pour trouver un business model et en vivre ». Pouvoir être vu et entendu par le plus grand nombre. Prochaine étape ? Deux séries de freestyles en février et en avril en prémices du premier EP qui sortira en mai sur les plateformes. L’album est prévu en 2024. Quand on lui demande le meilleur conseil qu’elle ait reçu pour vivre de sa passion, elle répond sans hésiter. « Agir ! Pendant longtemps, j’ai trop réfléchi avant d’agir, mais finalement, il faut juste se lancer. Écrire, expérimenter, sortir. C’est en agissant que l’on apprend et que l’on se perfectionne ».