Jules Magistry[FRA]
- Illustration
Chronique
À l’aide de ses crayons et de couleurs pop, Jules conte le quotidien des adolescents des années 1990, coincés dans une banlieue à l’américaine, ennuyeuse et standardisée. Une jeunesse désœuvrée qui s’occupe grâce aux écrans : entre série TV et jeux vidéo. Et qui se cherche.
génération POWER RANGERS
On aime l’univers ultra coloré et nineties de Jules. La franchise et la naïveté de ses crayons de couleurs avec leurs hachures apparentes, que le jeune homme n’a pas lâché depuis son enfance. À l’époque, il dessinait et recopiait les personnages de ses comics et de ses « Dragon Ball Z ». Aujourd’hui, son monde est toujours habité par la pop culture. Son style navigue entre comics, anime et manga. De Power Rangers à Sailor Moon, sans oublier le cinéma queer de Gus Von Sant.
Pour Jules l’adolescence est ce passage violent entre innocence et virilité forcée. Une période où l’on se cherche Car comment trouver sa place en tant qu’homme dans une société où être un homme signifie jouer à des jeux vidéo et se masturber devant du porno ? Et où les clichés sur les genres ont la dent dure ? Jules s’interroge, et le concept de masculinité parcourt son œuvre comme les chansons d’Eddy de Pretto. « Tu seras viril mon kid ». L’illustrateur aborde aussi d’autres thèmes forts comme la vie en banlieue, la relation d’autorité entre parents et adolescents, mais aussi les tueries en milieu scolaire.
Avec ses mots, Jules décrit trois de ses séries phares. Et sa passion pour le réalisateur Gregg Araki, encore et toujours.
NOW APOCALYPSE
» Ces trois illustrations ont été faites à quatre mains avec l’illustratrice et amie Natacha Paschal. C’est la première fois que nous collaborions réellement. Sa technique est à la peinture et la mienne, aux crayons de couleur. Nous avions commencé à faire ces illustrations simplement pour samuser et ce qui est en est sorti nous a beaucoup surpris quant la compatibilité de nos deux univers. Ces trois images mettent en scènes des moments de la série de Gregg Araki « Now Apocalypse ». Gregg, un des éléments centraux dans la construction de mon univers, de mes personnages et de mes choix calorimétriques. Son cinéma queer m’a beaucoup influencé et c’est toujours une source d’idées et de subversions. «
TEENAGE APOCALYPSE 4
» Ce projet de premier fanzine est né d’une envie de préparer un projet plus grand avec une narration plus étendue mais aussi de ma participation en avril dernier au « Paris Ass Book Fair » au Palais de Tokyo (foire de publications queers ndlr). J’ai fait évoluer sur quelques pages des personnages que je travaille et qui m’obsèdent depuis longtemps, identifiés par couleurs comme dans le film « Heathers » avec Winona Ryder. Je les dessinais souvent mais la définition de leurs univers respectifs, de leurs attitudes et sentiments m’était encore inconnue. Ici, j’ai pu réellement creuser cette dimension sur 40 pages. L’histoire s’articule autour de quatre ados dans une banlieue pavillonnaire, se préparant au retour étrange d’un ancien ami. Les relations ambiguës et conflictuelles entre chacun resurgissent à ce moment-là. Le titre et la numérotation (je n’ai pas fait de Teenage Apocalypse 1, 2 ou 3) font référence à la « Teenage Apocalypse Trilogy » de Gregg Araki (encore lui), créant une pseudo continuité avec ses films, surtout dans l’explosion nucléaire finale comme un climax des tortures et douleurs adolescentes. «
SUMMER BUMMER
» Cette série d’illustration poursuit mon obsession des adolescents en banlieue pavillonnaire, les « suburbs », où l’ennui et la banalité sont quotidienes, qu’ils soient représentés par un parterre de fleurs, un avion qui passe, une boîte de Xanax ou une blessure. J’aime étudier cette banalité du monde moderne et de la classe moyenne ou riche, où la névrose et la violence existent dans un quotidien réel et de non-dits entourés de jolies maisons et de pelouses parfaites. C’est l’absurdité de notre économie et de notre époque à son paroxysme. C’est en me replongeant dans « Desperate Housewives » un été que ces illustrations sont sorties. On peut d’ailleurs y reconnaître, en flamme, une des maisons de Wisteria Lane. La boîte de céréales vient s’attacher à l’univers très 1990, début 2000, que je développe. «