Haley Tippmann[USA]

  • Illustration

Chronique

Le 25.02.2019 par JULIETTE MANTELET

Originaire de l’état de New York, Haley est désormais installée en Allemagne. À travers ses dessins, elle donne vie aux inconnus croisés dans la rue et dans les cafés. Elle raconte l’histoire de tous ces étrangers et rend hommage à la vie quotidienne avec des traits originaux rappelant les vieilles bande-dessinées.

LA VIE DES AUTRES

Haley possède un style unique qui ne ressemble à rien de ce que l’on peut voir en illustration aujourd’hui. Elle utilise en effet des teintes moins vives, moins directes. Sa gamme de couleurs est plus douce et elle n’hésite pas à incorporer aussi des tons plus sombres, le taupe, le gris, le marron, les couleurs de la terre. Elle ne représente pas les gens qui l’entourent de manière schématique mais ne plonge pas non plus dans un réalisme extrême. Elle agrandit volontairement les corps de ses personnages, hommes comme femmes. Les bustes doublent de volume et les femmes prennent un air particulièrement imposant sous le regard d’Haley. Les têtes, elles, semblent rétrécies et les yeux sont réduits à un simple point noir. Les visages qu’elle imagine rappellent beaucoup ceux de la série culte Blake et Mortimer, constitués de contours noirs et avec cet accent mis sur les sourcils sombres et le nez, anguleux. Elle y ajoute sa touche personnelle par ces éclats de lumière mettant les visages en relief. Elle se rapproche d’ailleurs du style le plus célèbre de la bande-dessinée, la ligne claire, par ces contours noirs laissés apparents et l’absence d’ombre autour de ses personnages. Au-delà du style graphique, Haley pourrait très bien imaginer une bande-dessinée qui raconterait l’histoire de tous ces gens qu’elle observe dans les rues. Sa passion c’est le monde qui l’entoure.

L’autre originalité d’Haley réside dans son choix de ne pas représenter des personnages seuls dans des portraits ou en duo pour parler d’amour. Elle préfère la foule, les groupes. Elle dresse un récit de la vie quotidienne dans une ville. Elle met bout à bout plein de petits moments uniques à partir desquels on pourrait très bien imaginer une histoire plus universelle. Elle fait du dessin d’observation et essaie au maximum de représenter les gens à travers son « objectif illustré ». Pour cela, elle prend des tas de photos à travers la ville et dessine ensuite à partir de celles-ci. L’artiste qui l’inspire le plus n’est autre que le français Toulouse-Lautrec, connu pour ses scènes de la vie parisienne. Il arpentait alors plutôt les cabarets que les cafés mais, comme Haley, représentait les gens ordinaires, la vie du peuple. La fluidité des traits et les couleurs choisies par la jeune femme peuvent aussi être vus comme une référence à son œuvre. Elle aime les moments banals et confie pouvoir observer pendant des heures les gens assis dans un coffee shop, s’imaginer ce qui les lie, où ils vont…  C’est d’ailleurs son conseil pour devenir un bon observateur : « Vous devez essayer d’imaginer une histoire pour tous ceux que vous voyez ». Haley surfe sur cette tendance à un certain voyeurisme que nous cultivons tous avec les réseaux sociaux – Instagram en première ligne -, où nous prenons un plaisir fou à contempler l’existence d’autrui. La vie des autres.

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