Guillaume Blot[FRA]
- Photographie & Cinéma
Chronique
Guillaume Blot trace sa route
Pour débuter notre chapitre sur les « Caractères », le photographe Guillaume Blot nous parle buvettes, merguez-frites et relais routiers avec le regard authentique et singulier de ceux qui croquent le réel à travers l’objectif, et surtout devant.
En cette fin d’après-midi hivernale, Guillaume Blot répond à mon appel dans un café où il s’est réfugié après quelques heures d’escalades, un sport qu’il affectionne particulièrement. Derrière lui, on entend des bruits de comptoir, des gens qui parlent et qui s’exclament. Rien d’étonnant à cela, puisque le photographe documentaire, également journaliste à ses heures, aime les lieux qui vivent, les lieux qui parlent. À travers ses photos, ce sont des tranches de vie toute entières qui se déroulent sous nos yeux, des histoires de personnages, de caractères. Son terrain de jeu favori ? Des endroits reculés, des territoires populaires à l’instar des stades de foot et de leurs emblématiques buvettes où les supporters aiment se retrouver lors d’un match. De cette première série photographique publiée sur So Foot en 2015, Guillaume retient des moments d’allégresse et de fraternité. « Je photographie des lieux que je côtoie. Je trouvais intéressant de photographier les buvettes des stades car j’aime beaucoup les à-côtés d’un match et cette ambiance unique que l’on retrouve seulement avant et après. Les cris, l’odeur des merguez et cette sensation d’appartenir à un clan ».
« une approche émotionnelle du local, du détail »
Au gré de ses voyages en Van dans les confins de la France, Guillaume trouve l’inspiration dans ce qui l’émeut. « J’ai une approche émotionnelle du local, du détail. Je suis sensible à ce qui m’entoure, à ce qui est proche de moi. Cette sensibilité va de pair avec mon approche de l’écologie et avec une certaine conscience du local ». Pour sa seconde série, publiée notamment dans Le Monde, le photographe se fixe ainsi sur un endroit qu’il côtoie au quotidien et qu’il affectionne particulièrement, les bistrots et ses adeptes. Ce sont « Les Dieux du rade ». Des lieux de sociabilité authentiques et emblématiques du patrimoine français, pourtant aujourd’hui menacés de disparition. « Ce sont de véritables lieux de résistance », confie Guillaume avec entrain. « On en compte désormais plus que 36 000, comparé à 200 000 avant. Ce sont de véritables couloirs sociaux entre le privé et le public, entre chez soi et le travail. On s’est rendu compte de leur importance lorsqu’ils étaient fermés durant le confinement ».
Entre deux shoots pour des marques ou des médias, ou lors des vacances d’été, Guillaume digue les paysages de France à la recherche de moments de vie et de caractères. Sur ses photos, on pose, on s’impose, on sourit, on regarde à côté maladroitement. Le réel est palpable. Parfois l’aspect documentaire d’une image frôle le vernaculaire d’un Martin Parr, pourtant quand on lui demande les artistes qu’il affectionne particulièrement, Guillaume répond Lars Tunbjork et ses scènes de vies incroyables ou Kostis Fokas et ses corps en noir et blanc. Comme eux, Guillaume navigue parfois entre la théâtralité et le réel. « Mais toutes mes photos partagent une même éthique : l’exigence du vraisemblable », explique-t-il. « Parfois je capture un moment de vie sur le vif. À d’autres moments, j’imagine une mise en scène plausible et respectueuse de mon sujet et de son quotidien. J’essaye toujours de ne pas trop en faire, de rester le plus fidèle à ce que je vois. Le travail en immersion permet aussi de faire transparaître le caractère des gens à travers des conversations ». L’écriture vient alors compléter l’image.
« Les gens et les endroits que je photographie sont authentiques »
Véritable adepte du road-trip, l’attention de Guillaume s’est naturellement arrêtée sur les relais routiers, l’une de ses dernières séries en cours. Dans ces endroits singuliers où le temps ne semble pas avoir d’emprise, Guillaume sympathise avec ses sujets jusqu’à prendre la route avec eux. « Les gens et les endroits que je photographie sont authentiques, loin des figures et des impersonnels et aseptisés de la modernité », confie Guillaume. Pour la suite du voyage, Guillaume est bien déterminé à tracer sa route et à poursuivre ses différentes séries sur lesquelles il travaille généralement au moins 5 ans. Cet été, direction la Bretagne et le Sud-Ouest, après un arrêt peut-être dans le sud, sur l’île du Levant, où Guillaume capture les naturistes, de nouveaux sujets qu’il travaille après lui-même avoir commencé il y a trois ans. Sans oublier, sa dernière idée en tête : la saison des festivals et des fêtes arrivant, photographier les bouffes d’afters. À bon entendeurs…