Federica Del Proposto[ITA]
- Illustration
Chronique
Federica est née à Rome dans une famille qui ne la prédestinait pas à première vue à une carrière d’artistes. Chez elle, on est plutôt infirmier ou médecin. Mais pourtant, Federica s’est bien tournée vers le dessin après avoir étudié l’architecture. En 2014, elle faisait partie de la sélection des 30 meilleurs talents européens de l’illustration contemporaine du Illustrators Award de Berlin, une preuve qu’elle ne s’est définitivement pas trompée de voie. En 2015, elle faisait partie de notre sélectiondes 50 artistes à suivre dans l’édition « Banana Split » Son style est très minimaliste et graphique, assez différent de ce que l’on présente d’habitude sur Tafmag, moins coloré, plus rétro et au discours très efficace. Federica signe en effet en ce moment un nouveau projet autour de la notion de féminisme.
LES FEMMES PARLENT AUX FEMMES
Federica a d’abord commencé par créer des bande-dessinées lorsqu’elle étudiait encore l’architecture. Cela se retrouve encore aujourd’hui dans ses illustrations. Elle n’imagine pas des séries et ne décline pas de petites scènes sur plusieurs dessins mais au contraire produit des cases uniques qui peuvent se lire seules. Tout dire en une seule image. Federica s’inscrit également avec ses contours noirs et épais et la simplicité de son trait dans la lignée de ce qu’on appelle désormais le « style Tintin » ou la ligne claire.
Son style est aussi résolument influencé par son domaine d’étude, l’architecture. Ses dessins sont graphiques et géométriques. Et surtout, on retrouve toujours en fond de ses portraits un immeuble, une route ou un intérieur précisément dessiné et schématique qui situe sa scène.
Avec Federica on plonge encore une fois dans un style d’illustration très schématique. L’artiste dessine les visages de ses personnages presque toujours de la même manière et c’est plutôt leur tenue qui permet de les différencier. Ils sont tous composés uniquement de ce visage ovale, de cette coupe de cheveux tout en courbes et ondulations et surtout de ce nez en angle pointu et de ses lèvres fines un peu pincées. Autre trait caractéristique, Federica ne dessine jamais les yeux de ses personnages. Seule leur bouche est parfois tracée en couleurs. La façon qu’elle a de représenter les femmes est ici très rétro, on les croirait sorties d’une soirée dans « Gatsby Le Magnifique » ou d’une publicité des années 20. Cela rappelle aussi le style de vieilles bande-dessinées comme « Quick et Flupke » ou l’ambiance désuète des « Triplettes de Belleville ».
Tous ces éléments se retrouvent dans sa série « Herstory Portraits », un projet personnel qu’elle développe actuellement. La couleur est toujours inexistante, les femmes possèdent toutes ce même visage graphique caractéristique et le noir de son contour ressort plus que jamais. À travers cette galerie de portraits féminins, Federica pose une question étonnante et complexe : « L’action féminine peut-elle être plus féministe que l’activisme lui-même ? » En effet, ces femmes qu’elles nous présentent en dessin, et dont on peut apprendre l’histoire sur son site, ne sont pas une fois de plus Simone Veil, Simone de Beauvoir ou Olympe de Gouges, figures par excellence du combat féministe. Ce sont des femmes souvent moins connues mais qui, par leurs petites actions ont aussi participé chacune dans leur domaine à la libération de la femme. Amelie Earhart, première femme aviateur à avoir survolé l’Atlantique, Lucia Valerio, meilleure joueuse de tennis italienne dans les années 1920… On comprend le parcours de chacune en une image, efficace. Un rappel puissant que le féminisme se joue aussi au quotidien, dans la vie de chacune d’entre nous, et surtout une nouvelle preuve que l’illustration est peut-être aujourd’hui l’espace où les femmes ont le plus la possibilité de s’exprimer et de nous toucher toutes.