Claire Trotignon[FRA]

  • Art & Peinture

Interview

Le 20.03.2020 par Juliette Mantelet

Quand on cherche sur Google le nom de Claire Trotignon, on tombe vite sur cette phrase qui en impose : « Claire Trotignon s’affirme comme l’une des plus talentueuses artistes de sa génération. » Et puis, on découvre que Claire a déjà exposé dans de nombreuses foires comme la célèbre Biennale de Venise ou encore la mythique FIAC parisienne. Elle fait des collages minimalistes, épurés. Inspirés de la tendance « less is more » et du Bauhaus. Où le blanc domine. Fruits de fragments découpés, gravures ou cartes postales. « Je fais de nombreux déplacements, je recherche et collecte continuellement des images, idées, codes, formes, que je note sur de nombreux carnets », retrace-t-elle. C’est de l’art manuel. Entre artisanat et bricolage. À la manière de Côme Clérino. Claire est une exploratrice qui va au-delà de l’art contemporain linéaire. Son travail n’est pas tout à fait du dessin, pas vraiment de la sculpture, pas non plus purement de l’architecture. Elle se fait paysagiste. L’art s’allie à des notions d’architecture et même de cartographie pour offrir aux spectateurs de nouveaux lieux pluriels. Les arches antiques côtoient l’archi moderne. Privilège, Claire nous donne les clefs de ses espaces à elle, hors du temps. De ses cabanes dans les arbres mentales et de papier, où l’on s’évade comme un enfant enfin maître de son royaume, qui oublie le monde autour de lui et disparaît des heures.

DES CABANES DANS LES ARBRES

« Enfant la maison idéale que je dessinais était très modestement un temple grec ! »

Comment l’art est-il entré dans ta vie ?

J’ai eu la chance de grandir dans les décors d’un théâtre à l’italienne du XVIIIe siècle. En parallèle, j’apprenais la cartographie marine pour partir en mer, un paradoxe esthétique et spatial également nourrit par ma fascination pour l’architecture. Enfant la maison idéale que je dessinais était très modestement… Un temple grec ! Plus tard, le travail de Sol LeWitt et le Bauhaus semblaient des pistes enviables.

D’où vient TON intérêt pour les espaces, les angles, l’architecture ?

Ma région d’enfance est riche en fortifications : Vauban, bunkers, ruines romaines et architectures brutalistes, une diversité de constructions qui, apposée à l’expérience de la navigation et aux voyages, m’a donné des idées.

« Je crée des espaces, des non-lieux à travers les codes de l’architecture, du paysage et de la cartographie ».

Comment présentes-tu ToN art de manière très simple ?

Je crée des espaces, des non-lieux à travers les codes de l’architecture, du paysage et de la cartographie dans un va-et-vient passé/futur et un rapport plan/volume. Ma pratique est visible sous la forme de collages, dessins, installations…

Quelle est TA définition du minimalisme ? Comment cette tendance s’incarne-t-elle dans TON art et dans TA vie ?

La formule de Mies van der Rohe, « Less is more », est une idée que j’ai toujours appréciée, un principe de dématérialisation tout en considérant son environnement. L’esthétique de mon travail est assez éloignée du minimalisme. Pourtant, il s’en nourrit à travers l’idée de perception des objets, des éléments et de leur rapport à l’espace. J’aime que mon travail agisse comme révélateur d’espace. D’une certaine manière, c’est un raisonnement que j’applique naturellement dans ma pratique au quotidien, je travaille toujours en fonction des possibilités que peut m’offrir l’espace dans lequel je vis ou dans lequel je suis invitée. C’est principalement la raison pour laquelle il y a une diversité d’échelles et de médiums dans ma pratique.

TU UTILISES des techniques et matériaux variés (gravures, collages, dessins) : comment en ES-TU arrivée à cette forme de création multiple ?

C’est l’idée de la cabane, délimiter un territoire et s’approprier un espace constitué d’éléments préexistants, en fonction des contraintes du lieux et des éléments trouvés à proximité. C’est un principe de construction / déconstruction qui fonctionne aussi par associations. J’ai toujours collectionné des « images » et des gravures, certaines au départ qui n’étaient pas de grandes qualités ont vite rempli un rôle de texture par petites parcelles auxquelles j’associais mon dessin.

Petite, TU étais donc du genre à construire des cabanes dans les arbres ?

Des milliers, un vrai patrimoine !

« J’ai un atelier au Nord-Est de Paris, blanc et dépouillé, très haut de plafond sur plusieurs niveaux. »

Parle-moi des non-lieux que TU CONSTRUIS, à quoi ressemblent-ils ?

Mes non-lieux sont construits et déstructurés parfois explosés, sans indice d’échelle, de temps, sans figure humaine. Le passage de l’humain est seulement induit par la présence d’éléments architecturaux. Les compositions semblent flotter souvent sur le papier, laissant une large marge blanche sur son contour où l’œil complète le dessin, aucune fin n’est prescrite.

Il ressemble à quoi TON atelier à Paris ? Et TEs journées d’artiste ?

J’ai un atelier au Nord-Est de Paris, blanc et dépouillé, très haut de plafond sur plusieurs niveaux, adapté aux différentes pratiques. Une journée à l’atelier commence à 8h avec les e-mails, devis, dossiers… Accompagnés de café et de musique ! Puis le soleil tourne et la clarté entre pleinement dans l’atelier, alors j’optimise ce temps pour privilégier ma pratique du dessin et du collage qui nécessite la lumière du jour. En fin de journée, je change de pièce pour suivre le soleil et effectuer des recherches, des lectures. Plus tard, la lumière artificielle me conduit au travail de construction, plâtre, découpe de bois… J’écoute souvent des films en travaillant. La nuit, je fais des recherches, des nouveaux croquis ou des découpes. Ma journée se termine vers 2/3h du matin.

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