Antoine Carbonne[FRA]
- Art & Peinture
À 27 ans, Antoine Carbonne dépeint dans ses œuvres le lent déclin du monde moderne, sans affolement ni pessimisme, dans une atmosphère proche du surréalisme.
Interview
« Tout, dans la vie, est cycle. La fin est un cycle. Un cycle qui dure longtemps »
« Tout, dans la vie, est cycle. La fin est un cycle. Un cycle qui dure longtemps », annonce Antoine Carbonne dans son atelier de la Jarry à Vincennes, immense biscuiterie désaffectée, quand on lui demande en quoi consiste sa démarche artistique. « Pour moi le monde moderne est arrivé à son apogée. La peinture me permet de retranscrire son déclin, avec douceur. Je ne suis pas alarmiste. » De ses œuvres, se dégage une certaine nostalgie. Les lieux, tantôt déserts tantôt peuplés de silhouettes fantomatiques, sans identité, plongent le spectateur dans une atmosphère intemporelle, un rêve absurde.
Les toiles exposées à la galerie Virginie Louvet au moment où on rencontre Antoine, représentent des photos de vacances. Un camion citerne croisé sur la route du retour, un coucher de soleil à l’aspect volcanique… Antoine Carbonne a joué sur les « fantasmes de l’été ». Pour lui, les vacances représentent une vie parallèle. Jonas Wood a influencé son travail. « C’est de la peinture cool », notifie-t-il.
« La couleur m’a toujours attiré, c’est tout ce que j’ai toujours su »
Depuis son entrée aux Beaux Arts de Paris en 2007, la démarche artistique d’Antoine a évolué. « La couleur m’a toujours attiré, c’est tout ce que j’ai toujours su. La peinture n’a pas été une évidence. Ça a été progressif. Elle a fini par s’imposer à moi comme le medium grâce auquel je pourrai utiliser et manier le plus de couleurs possibles », explique l’artiste qui à l’époque, recherchait une légitimité à son travail. « Je me cherchais. J’avais besoin de travailler à plusieurs, ça me cadrait. Les travaux collectifs sont comme des jeux d’enfants. Il y a un scénario, des règles, on ne part pas dans tous les sens. » Antoine Carbonne multipliait les projets mais rien ne lui convenait. Au départ influencé par les œuvres très graphiques d’Hockney, il s’est ensuite inspiré des couleurs, « hiérarchisées » des œuvres de Matisse. Ses premières toiles sont largement différentes des suivantes, plus personnelles et assumées.
C’est un voyage en Mongolie qui a changé sa perception artistique. Antoine a été marqué par le manque de revendication culturelle mongole, quand en Europe, on conserve tout, nos bâtiments historiques et nos musées. Là-bas, il a baigné dans une atmosphère étrange : « La population est extrêmement joyeuse, mais désespérée. Les gens sont rieurs mais cyniques. Ces ascenseurs émotionnels m’ont épuisé. » Le caractère nomade des Mongols a poussé Antoine à travailler sur l’espace, devenu la clef de voûte de son œuvre : il peint des espaces du quotidien, aux contrastes marqués. « Un vide-ordure parait vulgaire. Mais le fait de peindre les éléments organiques permet d’accepter leur agressivité plastique. J’aime le décalage entre la grossièreté de ce que les déchets représentent et leur beauté, qu’ils soient flashy ou brillants. » Ses natures mortes, inscrites dans des espaces incertains, participent à la construction d’espaces picturaux en perpétuelle interrogation.
En 2012, Antoine Carbonne habitait Courbevoie. Une série d’espaces sur La Défense a été exposée dans une galerie du 15e arrondissement de Paris. Son style s’est précisé. Il a représenté des espaces aux lignes pures, droites.
Sa démarche s’est clarifiée : l’artiste est préoccupé par ce qui va survivre à l’homme. Et le bâtiment est a priori ce qui est le plus solide. Une ambiance pré-appocalyptique se dégage de ses oeuvres. Comme si le monde s’était déjà rendu compte de son agonie.
Antoine Carbonne vit aujourd’hui à Bruxelles où il poursuit sa reflexion sur l’espace, pictural et inhabité.
Photographie © Aurore Lucas