Dans le studio de design d’Amca Oval

Immersion joyeuse dans le monde seventies, coloré et playfull d’Alexis Martial et Adrien Caillaudaud, le duo parisien d’Amca Oval.

L’interview a lieu par une matinée brumeuse rue Tiquetonne, dans le 2ème arrondissement de Paris, dans ces quartiers du centre de la capitale où le seul fait de pénétrer une cour d’immeuble vous fait voyager dans le temps. C’est dans cet ancien atelier de confection de cravates, aux allures de maison de ville, que le duo Amca Oval, formé par Alexis Martial et Adrien Caillaudaud, a installé son studio et showroom. À la fois lieu de vie et de travail, la pièce est grande, aérée et laisse entrer un véritable puit de lumière qui met en valeur le mobilier, les objets, vêtements et accessoires qu’elle abrite. Des meubles seventies – l’un des tropismes du duo – des bibelots modernistes, des livres, des plantes, des lampes et des objets designs DIY qu’Alexis confie avoir confectionné lui-même à l’instar de ce pot réalisé à partir d’un large tuyau.

une passion commune et « débordante », la mode.

Cela fait près de dix-huit ans que ces deux là ne se sont plus quittés, guidés par une passion commune et « débordante », la mode. Mais pas que. Le design, l’architecture, l’artisanat : la création protéiforme dans tout ce qu’elle a de foisonnant, exubérant et coloré. Rencontré sur les bancs de l’Atelier Chardon Savard, le tandem se retrouve dans les ateliers des grandes maisons de luxe, chez Alexander McQueen et Givenchy, auprès de leur mentor, Riccardo Tisci. Après un passage chez Paco Rabanne, Alexis prend la direction créative d’Iceberg, Adrien passe par les rangs de Jil Sander et Todds, puis le duo se retrouve chez Carven où ils officient tous deux en tant que directeurs artistiques. Mais, il y a quatre ans, c’est le déclic, ils décident de franchir le rubicon et de mettre en œuvre leur propre projet créatif. Son nom ? « Amca Oval », pour souligner leurs initiales et sublimer cette figure géométrique – l’ovale – symbole d’idéal. Prêt-à-porter, accessoires, objets, tapis, coussins, le duo voit grand, pense local, durable, esthétique, design.

« Ce studio est le centre de tout », confie Alexis. « C’est ici que tout commence et que tout se conclut. C’est un lieu où l’on imagine, on crée, on confectionne ». Atelier, bureau, studio. Styling, casting, essayages, tout y passe. « On se sent vraiment chez nous et on veut que les gens s’y sentent bien aussi ». L’espace typiquement parisien évolue au fil des périodes, alternant entre lieu de solitude et de recherche et des moments de convivialité et d’émulation créative, lors des Fashion Weeks notamment. Sur le grand mur blanc situé face aux deux fenêtres, quelques panneaux laissent entrevoir des croquis d’Alexis, des applats de couleurs qui rappelle l’univers chromatique unique d’Amca Oval. Du orange, du mauve, du marron, du rose, du beige… « Ce sont des dessins des tapis que je suis en train de créer », explique-t-il. « Quand nous débutons un projet, le mur devient un moodboard géant sur lequel on met toutes nos inspirations du moment ». Adrien précise, en riant : « D’ailleurs, nous seuls pouvons y toucher. C’est un peu notre cerveau qu’on plaque sur un mur ». « Oui, on est parfois un peu monomaniaque », reprend Alexis, dans un sourire.

une vision unique et collaborative

Au fil des ans, grâce à une compréhension mutuelle de l’industrie de la mode, le duo a développé une vision unique et collaborative qui leur est propre. Leur complicité est évidente, leur complémentarité, aussi. « Alexis est assez instinctif, il aime l’expérimentation, toucher la matière, les objets, les couleurs. La réalisation est une étape essentielle dans son processus créatif », confie son partenaire. « Au contraire, Adrien est plus cérébral. Ce qui l’intéresse, c’est la réflexion. Il aime penser, imaginer, dessiner… Après, il peut s’arrêter là ».

Depuis ses débuts, Amca Oval suit ses propres saisons, fidèle à une philosophie « less is more » qui laisse le temps d’idéation et de confection du vêtement et de l’objet grâce à un travail de recherche fourni et une démarche collaborative, essentielle selon-eux. Après près de quinze ans passés dans l’industrie de la mode, le duo connaît ses failles et ses travers et tente de ne pas refaire les mêmes erreurs. « On fonctionne selon un procédé inverse, nos créations sont toutes réalisées à partir de stocks trouvés dans les usines. On part de la matière que l’on a à disposition pour créer ».Comme une ode à la circularité, à la joie et à la spontanéité, le duo crée ainsi une véritable osmose avec la matière, les tissus et fils à partir desquels ils imaginent leurs pièces. Sans oublier le travail des couleurs bien-sûr, primordiales, fondamentales dans leurs créations.

Un seul mot d’ordre : jouer

« Chaque collection est comme une nouvelle histoire avec de nouveaux personnages. On cible d’abord l’égérie, on imagine son personnage, son environnement, l’époque dans laquelle elle vit, puis la collection se dessine naturellement », explique Adrien. Qui elle est, d’où vient-elle, que fait-elle ? C’est toute une narration qui se met en marche. « Pour cela, on doit rester dans notre bulle, ici », confie Alexis. « Avec Amca Oval, on a voulu créer quelque chose qui nous ressemble, qui réunisse nos passions multiples et où l’on prend du plaisir à créer ». Un seul mot d’ordre : jouer. La mode et le design, sont comme d’infinis playground où le duo aime se questionner et s’amuser. « On se cherche nous-mêmes à travers ce qui nous passionne et que l’on crée », conclut Adrien.

Le duo partage d’ailleurs une autre passion commune : la nuit. Après une journée de travail, les deux complices se faufilent de soirées en soirées et partent à l’assaut de la capitale. « On sort beaucoup, tous les soirs, du lundi au jeudi », explique Adrien, en souriant. C’est dans la ferveur de la ville, à la nuit tombée, qu’ils trouvent aussi l’inspiration, au hasard d’une rencontre. « Lorsque l’on sort en club, ce qui est plus rare aujourd’hui, confie Alexis, j’adore regarder cette jeunesse exacerbée qui se lâche sans penser au lendemain. Cela m’inspire énormément ». Leurs modèles sont d’ailleurs souvent des créatifs ou des artistes : Dj’s, céramistes, graphistes… « On recherche avant tout la singularité, on aime les gens qui ont réussi à s’épanouir, qui osent explorer leurs multiples facettes ». Oscillant entre frénésie et poésie, recherche et réalisation, calme et tempête et perché du haut de son studio parisien, Amca Oval semble avoir trouvé une évidente harmonie à la ville comme à la scène. D’ailleurs, quand on traverse en sens inverse la cour de cet immeuble d’un autre temps, on se dit que leur nom résonne finalement comme une évidence, la traduction parfaite de leur propre idéal.