Morgane Clavaud[FRA]
- Art & Peinture
Interview
Dans l’appartement de Morgane Clavaud
Modéliste, styliste, graphiste. C’est sous sa casquette de peintre que Morgane Clavaud nous invite chez elle, près de Fontainebleau. Dans son salon, devenu atelier depuis trois ans, elle y déploie ses dernières créations. Solaires, colorées et libres. Rencontre.
Il est 10h. Le ciel est bleu, le soleil étincelant. Une journée de fin d’été qui semble s’accorder avec les peintures de Morgane. Installée dans son séjour, la jeune artiste peaufine sa dernière toile, le regard concentré et une palette à la main, garnie de couleurs. Comme nous, la lumière s’est invitée, illuminant ses récentes peintures et cet espace où tout a commencé. La toile signée, Morgane pose son pinceau avant de s’installer, à même le sol, pour nous raconter cette passion naissante pour la peinture. Une affinité inexpliquée mais qui s’avère évidente.
Une âme inconsciemment artistique
Dans ses yeux, on discerne déjà un esprit dont les idées créatives fusent. Pourtant, Morgane n’a jamais ressenti cette fibre artistique que ses parents, eux, distinguaient en elle. D’ailleurs au lycée, les arts plastiques n’étaient pas son fort. Mais, venu le choix des études supérieures, le destin lui semble avoir tracé le chemin et la jeune femme s’oriente inconsciemment vers le stylisme. « J’ai immédiatement adoré ce parcours ». Imaginer, modeler et même dessiner. Morgane découvre une discipline dans laquelle elle se sent pleinement épanouie.
« Je ne savais pas quoi en faire. Les jeter ou les utiliser ? »
Et le confinement tombe. Les choses s’arrêtent. Comme tout le monde, Morgane décide de faire un tri dans ses affaires et tombent sur des tubes de peintures que sa tante, artiste, lui avait offert. « Je ne savais pas quoi en faire. Les jeter ou les utiliser ? » C’est sa curiosité insatiable qui prendra le dessus. S’armant de pinceaux, de cartons toilés et des quatre couleurs primaires, elle se prend au jeu. Une première toile naît, puis une autre. Et trois ans plus tard, la voilà entourée d’une multitude de peintures, préparant les expositions à venir. « Au début, c’était pour le plaisir puis des amis ont découvert mes premières toiles. Ils étaient prêts à me les acheter et m’incitaient à les exposer ». Ce nouvel engouement chamboule le parcours de Morgane qui ne s’était pas imaginée emprunter un jour la voie d’artiste.
Le droit à l’imperfection
La jeune brune est une vraie hyperactive. Une curieuse qui se dévoue pleinement à ses passions. Mais par période. À la découverte de cette discipline picturale, Morgane s’est rapidement interrogée. Allait-elle donc laisser le stylisme pour la peinture ? Et se lassera-t-elle un jour des toiles et des pinceaux ?
« Pour la première fois, j’ai trouvé dans une discipline, une créativité dont je ne me lasse pas »
À la sortie du premier confinement, cette dernière aurait donc pu reprendre ses étoffes et ses aiguilles pour continuer son chemin de styliste. Mais ce temps passé avec la peinture lui a procuré de nouvelles sensations de liberté. En rangeant la table de son matériel, la jeune femme nous partage avec enthousiasme sa caisse à magie. Là où se cache tous ses ustensiles. Un florilège de tubes acryliques, des pinceaux aux mille et une formes, et d’autres accessoires insolites qui ne l’ont plus quitté depuis sa première toile. « Pour la première fois, j’ai trouvé dans une discipline, une créativité dont je ne me lasse pas ». Quand elle peint, elle ne réfléchit plus. Sur une toile vierge, les gestes s’enchaînent avec parfois frénésie et sans mesure. Ces gestes, elle ne les connaissait pas dans son métier de modéliste. Le stylisme est une autre créativité. Visuelle qui, à sa réalisation, n’autorise aucune irrégularité. Elle fait alors preuve d’une rigueur méticuleuse. Mais en peinture, elle est une tout autre personne. Elle accepte les erreurs et les imperfections qui, à ses yeux, contribuent à la singularité de chaque toile. « Peintre du dimanche » comme elle aimait se nommer à ses prémisses, elle passe le stylisme au second plan, sans jamais l’oublier, pour se concentrer davantage à son travail pictural.
Entre composition et décomposition
Voitures, verres à cocktails, fruits, bouquets de fleurs. Les sujets – solaires – traités par la nouvelle artiste sont divers et ne semblent pas se cantonner à un genre précis. « Au début, je m’inspirais de ce que je voyais sur les réseaux sociaux, puis j’ai commencé à prendre en photo ce qui m’intéressait. Ce sont les plans serrés, sur des jeux de reflets, qui m’intriguent ». De ses captures quotidiennes, Morgane va rapidement se concentrer sur un aspect : la lumière. Sur son pouvoir à transformer un objet et sa texture. Dans ce salon baigné d’une lueur étincelante, on comprend instantanément cette curiosité qu’elle porte sur les reflets. « À ce moment-là, je regarde autrement l’objet sous mes yeux. Chaque détail a son importance ». De là, telle une cubiste, elle décrypte l’objet sous toutes ses facettes. Ses photographies vont lui permettre de décomposer et recomposer tel qu’elle le souhaite, et selon les éléments lumineux, le sujet face à elle. La composition photographique terminée, Morgane se pose devant sa toile, son équipement paré à l’action et le soleil, immiscé dans le salon, prêt à suivre chacun de ses mouvements. Pas besoin de dessins préparatoires. Chaque recoin de l’objet a été scrupuleusement étudié par Morgane, ne lui laissant plus aucun secret. La valse picturale peut alors enfin débuter.
California Dream
Au premier regard, sa peinture dégage une atmosphère légère et onirique. Un California Dream, qu’elle brosse à travers des détails de carrosseries sixties et des verres de Martini. Serait-ce les traces inconscientes d’un voyage à Los Angeles il y a une dizaine d’années ? Pour Morgane, ces sujets furent tout d’abord, un moyen de s’échapper au quotidien confiné. Comme la peinture. Elle suivait ainsi son intuition, choisissant les sujets qui lui offrait l’escapade visuelle idéale. Mais il est certain, Morgane n’est pas insensible au cosmos de la côte ouest américaine. Elle s’y est même rendue cet été, s’immergeant à nouveau dans un cadre qui lui est, dans un sens, familier. « Je suis revenue de ce voyage, imprégnée de l’ambiance et avec des milliers de photographies dont je suis impatiente de retravailler en peinture ! ». Curieux, la jeune femme nous partage ses images et les premières recompositions. Rayonnant !
Comme tout artiste, expliquer son propre style est aussi rude que d’élucider la création du monde. Finalement, il n’y a pas de raison. Ce sont des enchaînements de hasards et surtout de ressentis qui mènent à créer sa propre patte. Pour Morgane, ce sont les paysages de Thierry Lefort ou encore les natures mortes moderne de Alai Ganuza qui ont orienté son style. À la fois précise, au réalisme presque photographique, et instinctive avec un travail de la peinture furtif et texturé.
Une entente colorée
La peinture aura été pour Morgane une découverte en tout point de vue. À la fois dans la discipline que dans le travail de la couleur et de la matière. Un exploit pour la jeune artiste qui ne jurait que par le noir et le blanc. « Pour mes créations de mode, je n’utilisais aucune couleur. Et pourtant, en peinture, j’ai découvert une vraie passion pour le mélange de tons ». Sa palette en est témoin. Des milliers de coloris s’y emmêlent et s’empâtent pour faire naître de nouvelles nuances, parfois accidentelles mais absolument étonnantes. Une vraie alchimiste de la couleur ! Mais rien de criard. Ses toiles légèrement acidulées préservent un réalisme, du sujet aux coloris.
les toiles de l’artiste s’exposent dans des lieux qu’elle souhaite « vivants »
« La peinture prend aujourd’hui une grande place dans ma vie ». Si Morgane continue son travail de graphiste, la peinture reste pour elle une voie dont elle souhaite continuer l’exploration. Récemment c’est la peinture à l’huile qui l’intrigue et pense même introduire le travail du fusain. Serait-ce le début d’un aparté monochrome ? Rien à dire, l’esprit de Morgane est infatigable et ne semble aucunement se lasser de la discipline picturale. En attendant de découvrir ses futures expérimentations, les toiles de l’artiste s’exposent dans des lieux qu’elle souhaite « vivants, pour qu’elles aient un véritable sens dans l’espace ». Et c’est en effet le cas. Accrochées dans l’espace de co-working myCowork et l’agence immobilière District à Paris en octobre, les peintures de Morgane animeront autant les lieux que les esprits qui y travaillent.