Laurent Laporte[FRA]
- Photographie & Cinéma
Interview
Laurent Laporte, le cool au zénith
Pour ce second chapitre sous la chaleur tempétueuse du mois de Juin, Tafmag s’est entretenu avec le photographe et créatif multi-casquette Laurent Laporte, fondateur du magazine iconoclaste Whereisthecool?.
Hello Laurent, on est ravi de poursuivre ce grand saut dans l’été azuréen avec toi sur Tafmag. Tu es aujourd’hui à la tête de la publication Whereisthecool? dans lequel tu décryptes avec style et singularité des images issues de tous les horizons créatifs (mode, art, design…). Comment est né ce média indépendant web et print ?
Whereisthecool? est né il y a bien longtemps sur un blog (Boducon en référence à Toulouse, sa ville d’origine ndlr). C’est une forme de manifeste dans lequel chaque article est une réponse à la question que pose le titre éponyme du magazine. Le « cool » n’ayant pas de définition précise, car il est en constant mouvement, c’est finalement un prétexte pour pouvoir aborder différents domaines avec toujours la plus grande liberté et indépendance possible. J’ai la sensation de ne plus pouvoir regarder la moindre image sans que celle-ci soit sponsorisée par quelque chose. Aujourd’hui, dans les magazines, tout n’est que PR et copinage pour la simple et bonne raison qu’il s’agit d’un business-model à part entière. En effet, une fois que les pages publicités ont été vendues sur un numéro, la partie finance est bouclée, les ventes s’apparentent à du bonus. Le lectorat de Whereisthecool? est très averti et toujours en demande d’une publication culturelle sincère avec laquelle il peut nouer une vraie relation de confiance. Une entreprise aujourd’hui ne peut plus agir en simple acteur économique, elle doit être citoyenne ; la publicité ne devrait avoir aucune autre fonction aujourd’hui que d’aider les entreprises qui le méritent. Je m’emploie donc principalement à cela sous toutes les formes possibles : de la photographie à la direction artistique en passant même par la décoration…
Pour Whereisthecool?, tu passes habilement de l’éditorial à la direction créative sans oublier la publicité que tu connais particulièrement puisque tu as commencé ta carrière dans cet univers. Peux-tu nous parler un peu de ton parcours ?
À l’origine, j’étais créatif publicitaire en agence jusqu’à ce que je trouve ce métier d’une part très inintéressant et d’autre part, totalement à contre-courant de mes convictions éthiques. J’ai donc décidé depuis un certain temps déjà de ne collaborer qu’avec des marques qui sont en phase avec celles-ci et il y en a malheureusement trop peu encore qui font l’effort d’aller jusqu’au bout dans leurs démarches, qu’elles soient économiques, écologiques ou sociales.
De la mode à l’art en passant par des destinations ou des objets, ton radar à « cool » dresse un état des lieux de ce qui vaut finalement la peine d’être vu dans cette nouvelle société de l’image. Comment trouves-tu tes sujets ?
Les sujets arrivent dans le magazine ou sur la page Instagram de façon totalement aléatoire. Je suis intrinsèquement plutôt attiré par des sujets que le bon goût a souvent balayé d’un revers de la main – attention le cool arrive toujours par surprise. J’essaie en tout cas de traiter les sujets de niche avec légèreté et les sujets plus populaires de façon appliquée. En tout cas, le sérieux met rarement les pieds dans une des 80 pages de ce magazine bi-annuel.
Quelles publications t’ont servi de référence pour créer Where Is The Cool ?
Les deux qui me viennent à l’esprit seraient Terrazzo et le Whole Earth Catalog, bien sûr.
La piscine est donc à mon sens le symbole d’une époque insouciante
Notre thème en Juin est consacré au leitmotiv artistique et culturel de la piscine et à cet imaginaire azur et solaire autour de la belle saison. Que t’évoques la piscine dans la culture, la mode ou l’art ?
C’est drôle car j’écris justement en ce moment un article sur le bouquin Pools de Kelly Klein dont j’ai eu la chance de pouvoir feuilleter la version originale au Marqi, lors de mon dernier voyage. C’est absolument magnifique. J’ai toujours été très sensible à l’esthétique des piscines et surtout au mode de vie qui l’accompagne. J’avais notamment fait un article sur les plongeoirs. Je me suis toujours demandé pourquoi on n’en voyait plus sur les piscines aujourd’hui. Trop d’accident, peut-être ? Les gens barbotent mais ne plongent plus. La piscine est donc à mon sens le symbole d’une époque insouciante qui est désormais révolue. Elle fait partie de ces marqueurs d’un imaginaire hédoniste qu’il va falloir changer vu le contexte écologique actuel.
Une piscine iconique ?
Il y en a beaucoup dont je fais souvent référence dans Whereisthecool?. Celles de « Piscina » du bouquin photo de Franco Fontana avec ces silhouettes qui se déforment comme sur les peintures de Hockney. Il y a aussi celles dotés de plongeoir issues de la série « Nine swimming pools and a broken glass » d’Ed Ruscha en 1968. Joel Meyerowitz a aussi bien étudié le sujet. Mais si je devais en choisir une, ce serait celle de la Villa « Jeux De Peau » chez Henrik Purienne où a été shooté la couverture et un article du dernier numéro de Whereisthecool?.
le cool a eu tendance à faire surface plus facilement avant les années 80/90
Dans Whereisthecool?, tu t’intéresses à construire et à déconstuire le sempiternel cycle de la mode et de ses tendances avec une esthétique ultra-chiadée et rétro. Es-tu un vintage addict ?
Pas du tout ! Mais il est vrai, qu’au-delà du « filtre nostalgique » qui est toujours flatteur esthétiquement dans notre société trop modernisée, le cool a eu tendance à faire surface plus facilement avant les années 80/90. Tout simplement parce que ce que l’on faisait à cette époque était beaucoup moins enclin à obéir à une forme d’industrialisation qui a systématiquement eu tendance à faire baisser la qualité en termes de production et de création. La forme artisanale et toute la sincérité qui l’accompagne était bien plus présente que de nos jours malheureusement.
Ce dossier célèbre l’été naissant, à quoi ressemble un été idéal selon toi ?
L’été a une connotation très « pleine saison », je suis plutôt « basse saison » voire même « hors saison » comme dirait Francis Cabrel.