Jon Sanchez[FRA]
- Photographie & Cinéma
Chronique
Jon Sanchez, photographier la vague
Quatrième étape de notre thématique spéciale surf avec Jon Sanchez, aka Platoux sur Instagram. Le surfeur et sa vague. C’est une vision éternelle, un mythe. Une image hyper esthétique qui se prête forcément à la photographie. La rapidité des capteurs modernes offre une chance de saisir le mouvement, l’effort et surtout l’instant magique où le surfeur se jette au creux de la vague.
UNE QUESTION D’ANTICIPATION
Surfer la vague et photographier la vague, deux actes qui nécessitent de l’anticipation, de la maîtrise et une connaissance exacte de l’environnement. C’est ce que nous explique Jon Sanchez, photographe de la côte Basque installé à Biarritz, cette ville qu’il ne quitterait pour rien au monde, capitale européenne du surf et du surf art. Depuis l’arrivée du surf en 1956, son succès n’a fait qu’augmenter auprès des Biarrots. Aujourd’hui, on y trouve 18 écoles de surf, presque toutes ouvertes à l’année. Il s’y tient un marché international de l’art du surf et la ville possède même son adjoint au maire en charge du surf. « À Biarritz, le surf c’est un état d’esprit. Sa pratique est intégrée à la culture locale, à son identité et son économie », résume Jon. Forcément, lui aussi surfe. On vous le disait, le surf art, le vrai, c’est celui imaginé par les surfeurs eux-mêmes. Surfer, c’est ce qui permet à Jon de comprendre la vague et de pouvoir la saisir au mieux par ses images.
Jon a surfé d’abord puis fait de la photo, ensuite. C’est le surf qui lui a donné envie de se mettre à immortaliser l’océan et qui lui a ouvert cette voie professionnelle dont il se réjouit de pouvoir vivre aujourd’hui. C’est la pratique aussi qui lui a permis de « comprendre le mouvement des vagues », de l’anticiper et de le capturer. C’est sûr, le surfeur se doit d’entretenir une relation intime avec la vague. Comprendre son va et vient, sa construction, ses courants pour ne pas se laisser surprendre, ne pas se mettre en danger. Tout artiste se doit de maîtriser son sujet. Surfer et photographier le surf, une même traque de la nouvelle vague.
LE MYTHE DE LA DÉFERLANTE
Depuis toujours, la mer impressionne et fait peur. Elle possède cette ambivalence, entre sérénité et danger. C’est « la plainte indomptable et sauvage » décrite par Baudelaire. À l’origine de la vie, elle fascine, éblouit et calme. Mais, imprévisible, elle sait aussi gronder, engloutir les navires, faire s’échouer les marins et triomphe toujours sur l’homme vulnérable, comme pour le remettre à sa place. « C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme », rappelait Renaud. Et c’est justement ce qui exalte les surfeurs : se confronter à la nature infinie, supérieure. C’est le plaisir qui peut tuer. « If you love something let it kill you » résume la bio Insta du photographe et surfeur Domenic Mosqueira, dont les clichés illustrent régulièrement des magazines comme Surfing ou The Surfer’s Journal. Domenic est parti en quête des plus grosses vagues au monde, comme celle de Teahupoo à Tahiti. Pour lui, la relation entre le photographe de surf et son sujet est la clef d’une image réussie, quitte à se mettre dans des situations dangereuses, à entrer dans l’action et à affronter des vagues de 5 mètres. Comme le dit très bien Jon à son tour, « la peur et l’anxiété font partie intégrante de la pratique du surf ». Et il ajoute, « il faut savoir rester humble face à l’océan. » Photographier la mer, c’est donc vouloir saisir tout ça à la fois, contenir en une image tout ce qu’elle représente, la mer d’huile et les grandes marées.
La vague c’est ce qui obsède Jon – même s’il sait que la vague parfaite n’existe que dans la piscine à vagues de Kelly Slater – à la manière d’Alain, l’illustrateur de The Minimalist Wave, biarrot lui aussi. Jon est fasciné par les possibilités infinies qu’offrent chaque vague, chaque moment, chaque seconde et par ce sujet en perpétuel mouvement. Les deux artistes subliment les flots de leur esthétique minimaliste. « Dès que je regarde une vague, je l’abstrais inconsciemment dans ses éléments les plus fondamentaux », décrit Jon. Le minimalisme lui permet de ralentir, de se retrouver seul dans un monde où tout va très vite. Dans ses images comme dans la vie, il recherche la simplicité, la quiétude, la sérénité par des scènes évanescentes qui font rêver avant tout.
Alors, Jon fait le choix de shooter les vagues au coucher du soleil, quand elles s’apaisent enfin, dans une esthétique épurée, réduite à l’essentiel. Quand la brume du ciel se mêle à l’écume des vagues. Il analyse la météo presque comme s’il partait pour une session de surf pour choisir le meilleur moment de la journée, quand « l’intensité, la direction et la couleur de la lumière » sont parfaites. Ce qui lui importe le plus ce sont les reflets de la lumière sur la surface de l’eau, l’onde et les rouleaux. « La lumière représente 90 % de la photo pour moi » déclare-t-il. C’est le parti pris de la beauté esthétique de la courbe et de la sérénité des flots. « Sur les hauteurs de Bidart, le point de vue sur toute la Côte Basque est imprenable. Le coucher de soleil au-dessus de l’océan avec les montagnes en toile de fond est toujours un spectacle magnifique, je ne m’en lasserai jamais », dit l’artiste. Seul le surfeur vient déranger l’ordre naturel et rendre à l’océan un hommage du soir. Comme lui, le spectateur se retrouve contemplateur solitaire de l’immensité. C’est l’homme apaisé face à la nature, comme dans un tableau de Caspar Friedrich.