Buckley[USA]
- Art & Peinture
Chronique
Buckley est une artiste complète, se décrivant comme une « visual philosopher ». Elle touche à tout : peinture, dessin, sculpture, musique, poésie, animation. Son travail de peintre est habité par des formes colorées, des corps à la fois abstraits et charnels qu’elle décline sur des toiles ou en fresques murales gigantesques. Buckley, c’est en fait son nom de famille et la jeune femme a choisi de se faire appeler ainsi pour « célébrer sa lignée ». L’artiste américaine décline ses formes dansantes à la manière d’une chorégraphe munie de pinceaux.
SHAPE OF YOU
Si l’on ne s’en aperçoit pas forcément au premier regard, le travail de Buckley est en fait très sensuel. Elle ne peint que des corps, arrondis, entremêlés, complices. Elle dit d’ailleurs s’inspirer de la grande Martha Graham, chorégraphe et danseuse, fondatrice de la danse contemporaine et célèbre pour son travail sur la libération du corps. Quand on regarde les peintures de Buckley plus attentivement, on découvre alors une vraie ronde des silhouettes, une danse un peu tribale d’êtres en mouvements. Elle se dit d’ailleurs « chorégraphe des lignes » et parle de ses figures comme de sa compagnie de danse. Elle peint des chorégraphies intimes, érotiques. On voit des personnages qui se touchent et s’unissent, ni vraiment homme, ni vraiment femme, des bouches qui se cherchent, des mains qui se touchent, dans une belle harmonie de couleurs. Son style et la densité de ses toiles rappelle parfois certaines illustrations de Quentin Monge, présent dans notre art-book Bubble Gum (2017). Les corps sont flous et imprécis. Buckley semble vouloir montrer que peu importe la forme du corps, peu importe la morphologie ou le sexe, tant que l’amour est là, tant que l’on évolue ensemble alors le monde s’élèvera. Seules les mains et les lèvres, prêtes au baiser se distinguent clairement dans cette mêlée colorée.
La jeune peintre compose les corps de ses figures avec différents aplats de couleurs, une couleur pour chaque partie de l’anatomie humaine, mais tout en restant dans une même gamme chromatique. C’est un peu comme si elle collait les différentes parties du corps côte à côte dans ce chaos des formes. Il ne reste presque aucun espace libre dans ses oeuvres, les personnages emplissant toute la toile, prenant tout l’espace comme sur une scène. Ses personnages, imaginés comme des tâches de couleurs assemblées, se détachent sur un fond plus sombre. Buckley privilégie les teintes naturelles, les couleurs de la terre, le marron, l’ocre, le beige… Rien d’agressif pour aller avec la douceur des individus qui se cherchent.
Et si ces toiles abstraites où les corps se déforment sans que l’on puisse en distinguer précisément les contours rappellent évidemment les traits de Picasso, ou encore les collages colorés de Matisse, Buckley avec sa gamme de couleurs très personnelle et ses personnages plus arrondis a vraiment trouvé sa patte, reconnaissable, cette fois, au premier coup d’œil.