CHATON[FRA]
- Musique
Interview
Yes ! Une interview avec CHATON. On suit le grand chevelu depuis quelque temps, fascinées depuis l’automne dernier par son titre « Poésies », mélange de ska et d’électro sous une voix autotunée qui déclame le blues parisien. Rencontre à Paris, sur un canapé de l’hôtel Le Pigalle, avant une live session bien rodée au final inopiné.
« La musique ? Je ne sais faire que ça »
« Je suis pas très a l’aise dans la vie, dans la société », amorce Simon, ton calme et naturel. « Du coup, c’est plus simple pour moi de faire de la musique. » Loin d’être atteint d’Aspergerisme (?), CHATON compose depuis toujours. Pour des grands artistes de la variété française aussi bien que pour ses projets perso, qu’ils sortent ou non. Qu’importent les ‘uploads’ Soundcloud, ce qui compte pour Simon, c’est la musique. C’est sa vie, son alter-ego, sa catharsis.
Et parfois, d’un coup, le hasard intervient. Ou la vie, ça dépend d’où l’on se place. D’un coup un projet plait. D’un coup un titre parle aux gens et là, c’est viral. Merci la révolution digitale post-Myspace. Depuis la sortie de « Poésies », CHATON cartonne, il se promène d’interviews en interviews, de live en live. Ce projet, « c’est sûrement la concrétisation – ou la digestion – de 15 ans de travail. » Quinze années compilées en 10 titres sous la coupe des possibles.
« Quand t’as passé 30 ans, la société te dit que ça y est, c’est terminé de rêver »
Un heureux événement
« Possible », ce premier album de sortie ce 9 mars. « C’est un hasard. Enfin, c’est un heureux accident » corrige Simon « Qui m’a sauvé la vie. » La salvation de l’art. Un grand classique.
On pourrait penser que CHATON commence tard. Il a 34 ans et vient d’émerger sur la scène indé, notre préférée. « Quand t’as passé 30 ans, la société te dit que ça y est, c’est terminé de rêver. Mais non ». Simon crie haut et fort que c’est faux. Que les rêves n’ont pas de fin et qu’il faut les sublimer. Bon, il le dit avec ses mots. Mais on résume.
On va pas lui faire, c’est lui qui le dit : Simon n’a plus 20 ans. « Je sais ce que je fais, qui je suis », affirme-t-il serein malgré des angoisses purgatives et créatives. « Tu vois, là on part en tournée et dans ma loge y’a du lait fraise ». Les teufs post-concerts, ça, c’était avant. Maintenant, il n’y a plus de place que pour la musique, pour le live, pour la parole libératrice.
« Je trouve ça compliqué, la vie. Le seul truc qui sauve, c’est l’amour »
Le chant des possibles
Dans son album « Possible », Simon évoque la vie d’artiste, la vie de trentenaire et l’amour évidemment. (« Je trouve ça compliqué la vie. Le seul truc qui sauve, c’est l’amour »).
Derrière ce trentenaire serein, accompli oserait-on ajouter, il y a aussi beaucoup de questions. À commencer par la classique : c’est quoi la vie. Elle est dure selon Simon. Parce que c’est pas simple de trouver sa place, de comprendre son appartenance au groupe. « Tu ères dans la vie et tu dis « c’est quoi le truc là, les gars » ? Qu’est ce qu’on fait maintenant ? ».
Simon parle facilement, il philosophie somme toute, résume ce que tout le monde pense. Il parle beaucoup aussi, digresse pas mal. Maintenant on parle de marginalisation, de la vie punk, la vraie (« pas le mec qui a vingt ans et se prend pour un punk parce qu’il a trois jeans troués »). Simon c’est un vrai. Lui il a continué à faire de la musique même quand il n’avait plus rien à bouffer.
« Tu m’entendras jamais dire : ‘c’était mieux avant’ »
C’était mieux demain.
Puis on fait un état des lieux du paysage culturel français. On parle de PNL, on fait des parallèles avec Molière. On parle de ces artistes qui décrivent la société avec leurs mots. On évoque Cocteau, on se demande ce que ça aurait donné si il écrivait aujourd’hui. CHATON c’est un homme moderne, mélange d’inspirations multiples qu’il a compilées depuis toujours, comme si il était prêt à sortir celui-là, de projet. C’est un mec qui raconte sa génération avec ses mots, avec ses yeux et avec ses cheveux (« Un jour je les ai coupés, mais ça a fait comme Sanson, j’étais pas bien »).
Il croit en son époque, en sa génération. « Tu m’entendras jamais dire : ‘c’était mieux avant’ », conclut-il, confiant. Même la musique ? On le titille alors qu’il s’apprête à clôturer son live avec une cover de Céline. « Ah non, en musique c’était mieux demain ».
Photographie © Julie Oona