Bonnie Banane

  • Musique

Interview

Le 11.07.2016 par Céline Cossez

Partir à la rencontre de Bonnie Banane en voulant percer son secret est illusoire. Vous et moi, nous ne saurons jamais ce qui se cache derrière ce pseudonyme attrayant. Ce que je peux vous dire c’est que ses pompes l’empêchent parfois de marcher normalement, qu’elle refuse d’apprivoiser son ordinateur, qu’elle a tendance à enrouler doucement ses cheveux sur ses doigts lorsqu’elle parle, qu’elle aime bien le Ricard et faire des grimaces. Ne cherchez pas à comprendre, vous l’aimez déjà.

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« Comme l’horizon c’est sexy, encore une bonne raison de vivre »

J’ai lu qu’elle faisait partie du Conservatoire National du Théâtre de Paris, mais nous n’en parlerons pas. « Ça n’a rien à voir avec Bonnie Banane », lâche-t-elle. Lors de notre rencontre, nous n’aborderons pas non plus son parcours musical tant il paraît évident : Bonnie est autodidacte. C’est comme une vérité absolue ; ses textes et son chant semblent vouloir sortir impérativement de son corps comme un cri. Même si elle a reçu une éducation qu’elle qualifie de « privilégiée » : « Mon père m’a appris la curiosité », dit-elle, « et l’ouverture d’esprit ». Ce sont ses rencontres, ses choix, et le hasard qui la conduisent vers les collaborations qu’on lui connaît.


Quand j’aperçois des corps
paufinés qui sont allongés, bébé. Comme l’horizon c’est sexy, encore une bonne raison de vivre. – Relax (R.I.P), Soeur Nature

 

Elle chante le sexe, les femmes, l’amour et puis la mort

On la découvre sur un premier EP en 2012, produit par et avec Walter Mecca (fondateur du label Weird Data) : Greatest Hits. Elle rejoindra ce label/collectif d’artistes dans la foulée. S’enchaînent ensuite les collaborations avec Waltaa (M U S C L E S, Champs Elysées), Jimmy Whoo (Burn A Car, fantastique, ou Long Time No See), Myth Syzer notamment sur Bonbon à la menthe , Jazzy Bazz sur son premier album comme dans Visions… Son premier EP solo Soeur Nature change un peu d’univers, en apparence du moins. La production y est laissée à Gautier Vizioz. « Rien ne m’est jamais imposé », précise Bonnie, « mais j’ai tendance à être influencée par les producteurs avec lesquels je collabore ».


Soeur Nature
paraît toutefois très personnel. La rythmique instrumentale de Vizioz, tantôt exotique, tantôt électronique, nous impose les textes avec une force aussitôt adoucit par la voix langoureuse de Bonnie. Elle chante le sexe, les femmes, l’amour et puis la mort de Léo bien sûr. Tout cela se transforment en voyage spirituel vers des contrées irréelles, dégoulinantes d’amour et de sueur.

 « La même histoire se répète, des premiers hommes jusqu’aux derniers. […] C’est impossible sans moi, rien ne pourra jamais naître. Je suis la dernière femme à exister sur la terre. » – L’appétit, Soeur Nature.

 

Tourbillon d’un vent de folie

Il se dégage de cette jeune femme un sentiment de folie, d’énergie folle plutôt. Sa réflexion sur la diversité sociale et culturelle nous renvoie à nos propres limites, nos propres préjugés. Toutes les fois où l’on s’est dit que l’on ne pouvait pas, que l’on était pas à notre place. « Ma préférence pour le rap US et le rap Français est pensé comme une erreur. J’étais pas le public visée : femme, blanche, provinciale. C’est arrivé comme ça. » Pareil pour son public, qu’elle essaie de ne pas intellectualiser mais qui dans ses rêves, se mélange et se rassemble grâce à sa musique.

En général, Bonnie nous encourage à lutter. Surtout toi, du sexe féminin. « Les femmes se plaignent beaucoup qu’on ne leur accorde pas assez de droits », affirme-t-elle. « De cette façon, elles sont passives et valident l’ascendant masculin. » Sous-entendu : arrête de te plaindre et prends, prends sans demander l’autorisation. « Toutes ses barrières sont mentales », conclut la musicienne.


Ses identités défilent – amante de Léonardo, dernière femme sur Terre, sosie d’Elvira dans Scarface -, se fixent et se désintègrent. Sa philosophie, comme sa musique, rappellent à mon souvenir cette phrase d’un personnage de Miyazaki : « L’inconstance des sentiments est la seule chose de viable en ce monde ». Cette EP est une ode à l’inconstance, à l’ambivalence, en contradiction avec les codes qui règlent nos vies, nos genres musicaux. Bonnie envoie tout valser. C’est elle qui mène la danse.

 

Céline Cossez
Photos : Julie Oona

Bonnie Banane, le Soundcloud et la fanpage

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